Parterre du Nord
Grotte de Téthys
À l’origine, l’édifice abritant la grotte de Téthys n’était qu’un simple château d’eau, édifié en 1664, probablement par l’architecte Louis Le Vau11. Lange, 1961. : il était situé à l’emplacement de l’actuel vestibule de la chapelle royale.
En 1665, la partie inférieure de cette construction utilitaire fut aménagée en grotte artificielle, dans la tradition des grottes issue de la Renaissance : une sorte de loggia ouvrant par trois arcades sur les jardins et dont l’intérieur, animé de jeux d’eaux raffinés, fut tapissé de pierres et de coquillages, de nacre, de perles et de coraux, mais aussi de panneaux de miroirs.
Les tritons et les néréides des parois, en nacre et en coquillages, symbolisaient l’univers marin dont le lieu était, en quelque sorte, un abrégé.
Un orgue hydraulique fut placé au fond de l’antre, à l’arrière de la niche centrale.
En juin 1666, l’imposte de cette dernière fut occupée par la figure d’un dieu fleuve représenté en coquillages.
Sur la façade même de la grotte, la devise solaire de Louis XIV – « Nec pluribus impar » – fut déployée à grande échelle (fig. 1) : un soleil, placé à l’imposte de la grille centrale, répandait ses rayons, épanouis sur l’ensemble des trois grilles, sur un monde figuré par six cartes géographiques représentant les quatre continents et les deux zones polaires, chacune de forme circulaire, comme pour signifier le globe terrestre.
Sculptés en 1666 par Gérard Van Opstal, sept reliefs étaient disposés à l’attique et aux écoinçons des arcades22. Saule, 2005, Vdsed 730-736. : Apollon sur son char au centre, des tritons et des néréides, ainsi que des Amours marins au-dessus des arcades latérales et aux écoinçons du registre inférieur.
Selon Charles Perrault, lui-même et son frère Claude, mais aussi Charles Le Brun, furent chargés de définir le programme de la grotte33. Mémoires de Charles Perrault, vers 1700, p. 207-209 ; Blondel, 1752-1756, t. IV, p. 107..
À partir d’un court passage des Métamorphoses d’Ovide, il s’agissait d’illustrer, au terme de sa course diurne, le repos d’Apollon dans la grotte marine de la déesse Téthys. La Téthys dont il est question est la déesse marine, qui doit être distinguée – selon une convention orthographique qui n’était pas encore en usage au xviie siècle – de la nymphe Thétis, mère d’Achille.
La grotte de Téthys s’inscrivait ainsi dans un dispositif général d’écriture des jardins, où le thème solaire était appelé à scander notamment l’axe principal, avec les bassins d’Apollon et de Latone, entrepris au moins à partir de 1668.
En mai 1666, les sculpteurs François Girardon et Thomas Regnaudin furent rétribués pour des ouvrages de sculpture « qu’ils ont faits à la grotte de Versailles44. Mélanges Colbert, 1666, fol. 58, paiement du 28 mai 1666 (document cité dans Maral, 2015, p. 80). ». Le parfait paiement leur fut versé en octobre 166655. Mélanges Colbert, 1666, fol. 59v, parfait paiement du 6 octobre 1666 (document cité dans Maral, 2015, p. 80).. Il s’agit peut-être d’un modèle à grandeur du groupe envisagé pour la niche centrale de la grotte.
En octobre 1666, Girardon et Regnaudin furent encore rétribués pour le groupe de la niche centrale, de même que, séparément, pour des groupes destinés aux deux niches latérales, Thibaut Poissant et Gilles Guérin66. Mélanges Colbert, 1666, fol. 59v, paiements du 6 octobre 1666 (document cité dans Maral, 2015, p. 80)..
En février 1667, Girardon et Regnaudin signèrent un contrat de société pour se répartir les sept figures du groupe central77. Contrat de société du 15 février 1667.. Ce document mentionne l’existence de plusieurs modèles, dont un modèle de présentation, agréé par Colbert.
Acheté à Paris en 1715 pour le compte d’Auguste II, dit Auguste le Fort, électeur de Saxe et roi de Pologne, et aujourd’hui conservé à Dresde, le groupe d’Apollon servi par les nymphes est sans doute la version en bronze d’un modèle préparatoire au groupe central88. Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, inv. IX 23. La Moureyre, Peltz, 2014..
En décembre 1667, un marché fut conclu par l’administration des Bâtiments du roi avec Girardon, Regnaudin, Guérin et Gaspard Marsy99. Marché du 18 décembre 1667, mentionné par le registre récapitulatif des marchés passés par l’administration des Bâtiments du roi (Inventaire des papiers des Bâtiments du Roi, vers 1720, p. 163).. Ce dernier sculpteur avait donc remplacé Poissant pour l’exécution d’un des groupes latéraux. Il fut secondé par son frère Balthasar Marsy, mentionné par les sources comptables à partir de février 16681010. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 252, paiement du 15 février 1668..
Le modèle en terre cuite du groupe des Chevaux du Soleil des frères Marsy est conservé au musée du Louvre1111. Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, inv. RF 2578..
Aucun modèle n’est connu pour le groupe des Chevaux du Soleil de Guérin.
Le premier paiement concernant les deux statues d’Acis (MR 1884) et de Galatée (MR 2101) par Jean-Baptiste Tuby date de décembre 16671212. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 194, paiement du 31 décembre 1667..
Une statuette en terre cuite patinée d’Acis de Tuby est mentionnée par l’inventaire des biens de Charles Perrault en 16721313. Inventaire de Charles Perrault, 26 avril 1672.. Il pourrait s’agir d’un modèle de présentation.
La première description des sculptures de la grotte de Téthys est due à Jean de La Fontaine, qui la publia en 1669 dans son poème Les Amours de Psyché et de Cupidon :
« Quand le Soleil est las, et qu’il a fait sa tâche,
Il descend chez Thétis, et prend quelque relâche.
C’est ainsi que Louis s’en va se délasser
D’un soin que tous les jours il faut recommencer […].
Ce dieu, se reposant sous ces voûtes humides,
Est assis au milieu d’un chœur de Néréides.
Toutes sont des Vénus, de qui l’air gracieux
N’entre point dans son cœur, et s’arrête à ses yeux.
Il n’aime que Thétis, et Thétis les surpasse.
Chacune, en le servant, fait office de Grâce :
Doris verse de l’eau sur la main qu’il lui tend,
Chloé dans un bassin reçoit l’eau qu’il répand,
À lui laver les pieds Mélicerte s’applique,
Delphire entre ses bras tient un vase à l’antique.
Clymène auprès du dieu pousse en vain des soupirs,
Hélas ! C’est un tribut qu’elle envoie aux zéphyrs […].
Parmi tant de beautés, Apollon est sans flamme :
Celle qu’il s’en va voir seule occupe son âme.
Il songe au doux moment où, libre et sans témoins,
Il reverra l’objet qui dissipe ses soins.
Oh ! qui pourrait décrire en langue du Parnasse
La majesté du dieu, son port si plein de grâce,
Cet air que l’on n’a point chez nous autres mortels,
Et pour qui l’âge d’or inventa les autels !
Les coursiers de Phébus, aux flambantes narines,
Respirent l’ambroisie en des grottes voisines.
Les tritons en ont soin : l’ouvrage est si parfait
Qu’ils semblent panteler du chemin qu’ils ont fait.
Aux deux bouts de la grotte et dans deux enfonçures
Le sculpteur a placé deux charmantes figures :
L’une est le jeune Acis, aussi beau que le jour.
Les accords de sa flûte inspirent de l’amour.
Debout contre le roc, une jambe croisée,
Il semble par ses sons attirer Galatée :
Par ses sons, et peut-être aussi par sa beauté. »
La Fontaine décrit les groupes des trois niches du fond de la grotte : Apollon servi par les nymphes (MR 1866) au centre, les groupes des Chevaux du Soleil (MR 2044 et MR 1873) de part et d’autre et, dans la partie antérieure de la grotte, dans deux niches, les statues du berger Acis (MR 1884) et de la néréide Galatée (MR 2101).
Pour autant, aucune sculpture n’était encore installée dans la grotte en 1669.
En effet, les derniers paiements mentionnant explicitement les œuvres en cours d’exécution datent :
- de décembre 1670 pour le groupe d’Apollon servi par les nymphes (MR 1866) et celui des Chevaux du Soleil des frères Marsy (MR 2044)1414. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 418 (paiement du 16 décembre 1670 à Girardon et Regnaudin) et col. 417 (paiement du 24 décembre 1670 aux frères Marsy). ;
- de janvier 1671 pour les statues d’Acis (MR 1884) et de Galatée (MR 2101) de Tuby1515. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 419, paiement du 26 janvier 1671. ;
- d’avril 1672 pour le groupe des Chevaux du Soleil de Guérin (MR 1873)1616. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 615, paiement du 8 avril 1672..
À la date du 2 avril 1672, le premier numéro du Mercure galant indique qu’« on a depuis peu embelly la grotte de plusieurs figures incomparables. On y a mis un grand Soleil environné de plusieurs nymphes qui le couronnent et luy lavent les pieds et les mains. Ce merveilleux ouvrage, et le plus grand qui ait encor esté fait, est de Messieurs Girardon et Renaudin. Dans deux niches qui sont aux côtez, on y a mis quatre chevaux du Soleil, qui semblent jetter du feu et vouloir prendre carrière sans pouvoir estre arrestez par les puissans tritons qui les tiennent. Monsieur Guérin a fait la moitié de cet ouvrage et Messieurs Gaspard et Baltazard ont fait le reste. On a encor placé dans cette grotte plusieurs autres belles figures de Monsieur Batiste, sculpteur très fameux1717. Mercure galant, 1672, p. 248-249. ».
Publiée par André Félibien en 1672 – avec un achevé d’imprimer daté du 18 mars 1672 –, la Description de la grotte de Versailles confirme la présence de trois de ces cinq sculptures en marbre à l’intérieur de la grotte1818. Félibien, 1672, p. 26-36. : le groupe d’Apollon servi par les nymphes (MR 1866), les deux groupes des Chevaux du Soleil (MR 1873 et MR 2044).
Sur l’aiguière de la nymphe (Mélicerte selon La Fontaine) lavant les pieds d’Apollon, le relief du Passage du Rhin (en référence à un événement qui eut lieu le 12 juin 1672) fut donc sculpté après l’installation du groupe dans la grotte.
Les paiements d’août et septembre 1673 pourraient se rapporter entre autres à cette ultime intervention1919. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 697, paiements des 8 août et 1er septembre 1673 à Girardon..
Le 17 juillet 1672, Colbert écrivit à Louis XIV, alors en campagne dans les Flandres, pour lui donner des nouvelles de l’avancement des travaux de Versailles2020. Lettres, instructions et mémoires de Colbert, 1658-1683, t. V, p. 329. : à propos de la grotte, « Girardon fait le modèle en plastre, sur le lieu, du socle ou piédestail du grouppe de figure du milieu ».
Cette mention signifie que le sculpteur s’occupe du socle – probablement des parements habillant le socle proprement dit, déjà en place –, et non plus du groupe, et qu’il est venu sur place pour élaborer son modèle.
Girardon fut rétribué en janvier 1674 « à compte du socle qu’il fait pour la grotte2121. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 759, paiement du 20 janvier 1674. ».
Le 21 juin 1674, Colbert annonça au roi, alors en Bourgogne, qu’il faisait poser le socle du groupe central de la grotte2222. Lettres, instructions et mémoires de Colbert, 1658-1683, t. V, p. 367. : « Il faut douze jours pour ce travail. »
Au nombre des ordres et règlements pour les bâtiments de Versailles édictés par Colbert depuis Saint-Germain-en-Laye le 24 octobre 1674, trois prescriptions concernent la grotte de Téthys2323. Lettres, instructions et mémoires de Colbert, 1658-1683, t. V, p. 369-370. : « Faire achever les figures de la grotte avec soin », « achever les socles de marbre et oster tout le plastre qui s’y trouve » et « élever les deux figures d’Acis et Galatée suivant [ce] que M. Le Brun a dit ».
De fait, les statues d’Acis (MR 1884) et de Galatée (MR 2101) ne sont mentionnées qu’à partir de l’édition de 1674 de la Description de la grotte de Versailles2424. Félibien, 1674-1, p. 37..
Gaspard Marsy fut rétribué en 1677 « pour avoir taillé des glaçons à la grotte ». Ce paiement concerne renvoie certainement au le socle du groupe des Chevaux du Soleil.
Les sculptures de la grotte de Téthys furent l’objet de plusieurs gravures, publiées entre 1675 et 1678 :
- Étienne Picart, Grouppe de marbre blanc représentant deux chevaux du Soleil et deux tritons qui les pensent [des Marsy], 1675.
- Étienne Baudet, Grouppe de marbre blanc représentant deux chevaux du Soleil et deux tritons qui les pensent [de Guérin], 1676.
- Jean Lepautre, Veue du fonds de la grotte de Versailles, 1676 (fig. 2).
- Jean Édelynck, Statue d’Acis, 1676.
- Jean Édelynck, Statue de Galatée, 1676.
- Jean Édelynck, d’après un dessin de Pierre Mosnier, Le Soleil, après avoir achevé son cours, descend chez Thétis, où six de ses nymphes sont occupées à le servir et à luy offrir toutes sortes de rafraîchissemens, 1678.
Condamnée par l’édification de l’aile du Nord du château, la grotte de Téthys fut détruite en octobre 16842525. Correspondance de Louvois, 1683-1684, p. 189, lettre de Louvois à son domestique Morlet, 19 octobre 1684.. À l’exception des cinq sculptures en marbre qui en ornaient les niches intérieures, tout son décor fut sacrifié.
Dès l’automne 1683, il avait été envisagé de transférer les groupes des Chevaux du Soleil sur le parterre d’Eau, à l’emplacement des actuelles fontaines du Point du jour et du Soir2626. Hedin, 1997, p. 212-225 ; Maral, 2006, p. 61..
En janvier 1684, les sculpteurs Anselme Flamen et Pierre Legros furent rétribués « pour avoir posé et restauré le groupe de chevaux et tritons de stuc à Latone en 16832727. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 473, paiement du 16 janvier 1684. ». Il s’agit vraisemblablement du modèle à grandeur (Vjs 389) d’un des groupes des Chevaux du Soleil, disposé au-dessus du parterre de Latone en guise de préfiguration.
Avant avril 1684, les deux statues d’Acis (MR 1884) et de Galatée (MR 2101) furent ôtées de la grotte de Téthys2828. Mémoire à l’attention de Louvois, 18 avril 1684, p. 62..
En avril 1684, après l’abandon du projet d’installer les deux groupes des Chevaux du Soleil (MR 1873 et MR 2044) sur le parterre d’Eau, il fut question d’édifier, à la place du bosquet des Sources, un « pavillon porté par des colonnes, qui sera fermé au fonds pour y mettre le grouppe d’Apollon de la grotte avec les grouppes de Chevaux et les deux figures qui estoient dans les niches de ladite grotte2929. Mémoire à l’attention de Louvois, 18 avril 1684, p. 62. ».
À partir de juin 1684, le bosquet des Sources fut en fait remplacé par le bosquet de la Colonnade3030. Journal de Dangeau, 1684-1720, t. I, p. 28, 19 juin 1684 (« Le roi ordonna une colonnade de marbre avec de grosses fontaines dans l’endroit où étoient les Sources »)..
Les cinq sculptures de la grotte de Téthys furent en fin de compte transférées au bosquet des Dômes.
Les statues d’Acis (MR 1884) et de Galatée (MR 2101) y trouvèrent asile sans doute dès l’été 16843131. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 439, paiements du 9 juillet et 27 août 1684 à Girardon « pour ses peines et soings à faire transporter les figures de la grotte »..
À propos du bosquet des Dômes, en juillet 1684, Louis XIV fit connaître sa volonté d’y « faire quelque chose de plus magnifique3232. Journal de Dangeau, 1684-1720, t. I, p. 34-35, 9 juillet 1684. ».
En décembre 1684, Girardon fut rétribué pour s’être occupé de faire transporter le groupe d’Apollon servi par les nymphes (MR 1866) de la grotte de Téthys au bosquet des Dômes3333. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 619, paiement du 31 décembre 1684.. Ce transfert dut avoir lieu entre juillet et octobre 1684.
Les deux autres groupes (MR 1873 et MR 2044) furent probablement transférés au même moment.
Parterre du Nord
Les vases de bronze
Par un marché conclu en décembre 1665, moyennant la somme de 7 200 livres, le fondeur Ambroise Duval s’engagea à exécuter en bronze six vases de 26 pouces de haut, c’est-à-dire d’environ 85 cm3434. Marché passé avec Duval, 13 décembre 1665.. Le marché indique que les modèles de ces vases ont été élaborés, à partir de dessins de l’orfèvre Claude Ballin, par les sculpteurs Anguier (François ou Michel) et Nicolas Legendre3535. Un paiement de juin 1668 est libellé à Pierre Ballin « pour les desseins qu’il a faits des vases de bronze de Versailles » (Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 216). Il n’est pas exclu que Claude ait associé son frère à la conception des vases de Versailles (Bimbenet-Privat, 2003, p. 224)..
Il est tentant d’identifier ces vases de bronze à ceux que mentionne, en 1669, La Promenade de Versailles de Madeleine de Scudéry « sur la balustrade du premier parterre », parmi lesquels ceux « où l’on voit de petits enfans appuyez sur les ances des vases, qui, avec une attention enfantine, semblent admirer les fleurs dont ils sont remplis3636. Scudéry, 1669, p. 66. ».
Sur la tablette du parterre du Nord, l’inventaire de 1686 signale « plusieurs vazes de bronze, du dessin de Mr Bazin [sic] et fondu par Duval3737. Inventaire des sculptures des jardins de Versailles, 1686, p. 93. ».
En 1695, les Remarques historiques de Mme Jourdain précisent que les vases de la tablette du parterre du Nord sont au nombre de douze3838. Description des jardins de Versailles par Jourdain, janvier 1695, fol. 31v.. Les six vases supplémentaires sont peut-être parmi les huit qui furent exécutés en 1679-1680 par Ambroise Duval3939. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1181 et 1315..
Le précieux tableau d’Étienne Allegrain (fig. 3), peint entre 1688 et 1695, offre une vision partielle de la tablette du parterre du Nord, ornée de dix vases : de gauche à droite, un vase aux anses formées d’une tête de satyre, un vase aux anses ornées d’une tête de loup, un vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour, un vase aux anses formées d’une sirène, puis, après les deux vases à décor de médaillons de la partie centrale, un vase aux anses supportées par deux visages grimaçants, un vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour, un vase aux anses formées d’une sirène et un vase aux anses supportées par deux visages grimaçants.
Le Vase aux anses formées de volutes surmontant un mascaron (MR 3434 et MR 3435) a été gravé en 1672 par Jean Lepautre4040. Préaud, 1993, p. 193. : la lettre de la gravure précise Vase de bronze de 2 pieds 6 pouces de haut à Versailles par François Anguier de la ville d’Eu. Sous la couronne de laurier, la gravure permet de voir la frise de fleurs de lys supprimée en 1794.
Sous le titre Vase de bronze de 2 pieds six pouces de haut à Versailles par Claude Ballin de Paris, le Vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour (MR 3432 et MR 3433) a été gravé en 1673 par Jean Lepautre4141. Préaud, 1993, p. 193.. La gravure est conforme au dessin de la Bibliothèque nationale de France, qui indique que ce vase de Ballin date de 1665 et qu’il a été « exécuté en bronze à Versailles4242. Agence des Bâtiments du roi (fonds Robert de Cotte), seconde moitié du xviie siècle, dessin no 1906 (microfilm F 001627). ». Le motif des armes royales, remplacé en 1794, est bien visible sur la panse.
De part et d’autre du degré central, les deux Vases aux anses terminées par une tête de lion et à décor de médaillons (MR 3422 et MR 3423) n’apparaissent pas dans les Remarques historiques de Mme Jourdain, mais ils figurent sur le tableau d’Allegrain (fig. 3).
Plus grands que tous les autres vases de la tablette, ces deux vases sont probablement ceux mentionnés par les sources comptables en mai 1666 : « À Anguier, pour le dessein et model en cire qu’il faict de deux grands vases de bronze qu’il faict pour Versailles4343. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 133.. »
Ces deux vases avaient sans doute été exécutés pour le bosquet du Théâtre d’Eau.
Le tableau d’Allegrain montre également au moins quatorze vases de bronze sur la tablette occidentale du parterre du Nord.
Il n’est pas impossible que ces vases aient été transférés sur le parterre du Midi, représenté par le même Allegrain avant 16924444. Allegrain, [1686-1692].. Ce ne sont là que de pures conjectures, aucun modèle de ces vases n’étant identifiable.
L’inventaire de 1707 fournit la première description précise des vases de bronze de la tablette méridionale du parterre du Nord, disposés en sept paires, tous attribués à Duval et, pour les modèles, à Ballin4545. Inventaire des sculptures, 1707, p. 989-990.. L’ordre fourni par l’inventaire de 1707 correspond à la situation actuelle : de part et d’autre du degré central, les Vases aux anses terminées par une tête de lion et à décor de médaillons (MR 3422 et MR 3423), puis les Vases aux anses formées de volutes surmontant un mascaron (MR 3434 et MR 3435), les Vases aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour (MR 3432 et MR 3433), les Vases aux anses supportées par deux visages grimaçants (MR 3428 et MR 3429), les Vases aux anses formées d’une sirène (MR 3430 et MR 3431), les Vases aux anses ornées d’une tête de loup (MR 3426 et MR 3427) et les Vases aux anses formées d’une tête de satyre (MR 3424 et MR 3425).
L’inventaire de 1707 date de 1668 les deux Vases aux anses terminées par une tête de lion et à décor de médaillons (MR 3422 et MR 3423)4646. Inventaire des sculptures, 1707, p. 989-990.. Il est tentant de les identifier aux deux vases pour lesquels Duval fut rétribué en 1670-16714747. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 420, 523 et 527..
Le bassin de la Sirène
La fontaine de la Sirène (Vjs 874) n’est jamais explicitement mentionnée par les sources comptables. Mais sa présence est attestée par la Promenade de Versailles de Madeleine de Scudéry, publiée en 16694848. Scudéry, 1669, p. 70..
La gravure de Pierre Lepautre, datée de 1679, qui la représente, mentionne les noms de Gaspard et de Balthasar Marsy.
Ces deux sculpteurs sont mentionnés par les sources comptables pour leurs « figures de plomb » à partir de septembre 16664949. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 134, paiement du 24 septembre 1666..
D’autres paiements, échelonnés entre mai et octobre 1667, concernent les « ouvrages de bronzure » des fontaines de Versailles par le peintre et doreur Jacques Bailly5050. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 193, paiements de mai-octobre 1667..
Le bassin de la Sirène (Vjs 874) est ainsi décrit par le guide d’André Félibien, publié en 16745151. Félibien, 1674, p. 45-46. : « Ce bassin a dix-sept toises de long sur dix de large, et par les deux bouts se termine en deux demy-ronds. Il est nommé le bassin de la Syrène, à cause que la principale figure, qui est au milieu, représente une syrène qui jette l’eau par une grosse coquille qu’elle tient à sa bouche et que soutient un triton qui est auprès d’elle. À costé de ces deux figures, il y a deux enfans assis sur des dauphins, le tout de bronze doré et d’un travail admirable. »
La description versifiée du fontainier Claude Denis a été rédigée vers 16755252. Description par Denis, vers 1675, fol. 7. :
« Sur deux autres bassins qui sont faits en ovale,
Dont la rare beauté semble estre sans égale,
Paroissent deux Amours, avec deux tritons
Qui pressent tellement dans leurs mains des poissons,
Qu’ils les font vomir et répandre des larmes,
Qui pour leurs spectateurs sont d’agréables charmes
Et, sans qu’on aist horreur de leur vomissement,
Ils font de nostre roy le divertissement.
Sur les mesmes bassins, on voit une sereine
Qui les veut seconder et qui, dans cette peine,
Pour faire de ses eaux un agréable jet,
Ce [sic] sert d’une coquille en forme de cornet. »
L’autre bassin mentionné par Denis (dont le texte cite par ailleurs, à propos du parterre d’Eau, des sculptures qui n’étaient pas encore en place au moment où il a été rédigé) n’a probablement jamais été exécuté. Prévu en symétrie, au sud, du bassin de la Sirène, il apparaît en effet sur plusieurs projets pour le parterre d’Eau, notamment le dessin de Charles Le Brun et de son entourage5353. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 30321..
Le Plan général du chasteau et du petit parc de Versailles dessiné et gravé par Israël Silvestre, publié en 1680, ne représente pas le bassin de la Sirène.
Ce dernier est encore décrit par le guide de Combes, publié en 1681, mais dont l’approbation est datée du 2 novembre 16805454. Combes, 1681, p. 81..
Le bassin de la Sirène a donc dû disparaître à la fin de l’année 1680.
Les quatre figures, fragmentaires, composant la fontaine de la Sirène, sont représentées sur deux dessins du fonds Robert de Cotte5555. Agence des Bâtiments du roi (fonds Robert de Cotte), vers 1700, dessins no 1961 et 1963 (microfilms F 001687 et F 001689).. Des annotations portées sur ces dessins indiquent que ces éléments sont à restaurer, vraisemblablement dans l’idée d’un remploi.
Ces éléments ne sont pas localisés.
Les bassins des Couronnes
En septembre et en novembre 1669, Étienne Le Hongre et Jean-Baptiste Tuby furent conjointement rétribués pour les sculptures en plomb des deux bassins dits des Couronnes5656. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 333, paiements des 2 septembre et 2 novembre 1669.. Ces derniers (Vjs 275 et Vjs 277) sont situés dans la partie basse du parterre du Nord.
Tuby fut encore rétribué en août 1670 pour des travaux en cours5757. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 419, paiement du 7 août 1670..
Selon Claude Nivelon, Charles Le Brun fut l’auteur des dessins de ces bassins5858. Vie de Le Brun, vers 1699, p. 422..
Formé de deux tritons et de deux sirènes, chacun des groupes des bassins des Couronnes (inv. 1850.9380 pour le bassin occidental et inv. 1850.9381 pour le bassin oriental) portait à l’origine une couronne royale.
Selon la Description sommaire d’André Félibien, « dans chacun de ces bassins est une couronne fermée soutenue par des tritons et des syrènes, le tout de bronze doré. Du milieu de la couronne et des fleurons dont elle est ornée, il sort onze jets d’eau5959. Félibien, 1674, p. 49. ».
Selon la description du fontainier Denis, vers 16756060. Description par Denis, vers 1675, fol. 15v. :
« Je voys sur deux bassins deux couronnes royales
Dont les riches ornements les rendent sans égales.
Par leurs fleurons dorés elles poussent dans l’air
Un liquide cristal qui se fait admirer. »
Attestée par le Journal du marquis de Dangeau, une modification fut introduite en 1685 : le 7 juin en effet, le roi alla voir « les fontaines des Couronnes, qu’il a fait changer et qui sont incomparablement plus grosses et plus belles qu’elles n’étoient6161. Journal de Dangeau, 1684-1720, t. I, p. 187. ».
On ne sait auquel des deux états se rapporte le dessin (fig. 4) de la Bibliothèque nationale de France, qui montre les jets d’eau sortant d’une couronne assez imposante.
En 1686-1687, les sculpteurs Noël Jouvenet et Pierre Mazeline furent chargés de supprimer ces deux couronnes héraldiques, remplacées par de simples couronnes de laurier6262. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 890 (paiement du 10 février 1686) et col. 1115 (paiement du 19 janvier 1687 pour travaux achevés)..
En mai-juin 1687, le peintre François Chaillot fut rétribué pour « ouvrages de verny de bronze qu’il fait aux figures des deux bassins des Couronnes6363. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 1114, paiements des 25 mai et 22 juin 1687. ».
Les statues de la Grande Commande
À partir de 1684, la plupart des statues de la Grande Commande – provenant du parterre d’Eau, mais aussi du bosquet des Dômes (occupé par de nouvelles sculptures à partir du printemps 1684) – furent replacées sur le parterre du Nord :
- sur la rampe occidentale, du sud vers le nord : L’Europe de Pierre Mazeline (MR 2050), L’Afrique de Georges Sibrayque et Jean Cornu (MR 1792), La Nuit de Jean Raon (MR 2081), La Terre de Benoît Massou (MR 2048) et Le Poème pastoral de Gérard-Léonard Hérard et Pierre Granier (MR 1871) ;
- sur la rampe septentrionale, de l’ouest vers l’est : L’Automne de Thomas Regnaudin (MR 2082), L’Amérique de Gilles Guérin et Hendryck Van Émenryck (MR 1872), L’Été de Pierre Hutinot père et fils (MR 1883), L’Hiver de François Girardon (MR 1864), Le Poème satirique de Philippe de Buyster (MR 1772), L’Asie de Léonard Roger (MR 2085), Le Flegmatique de Matthieu Lespagnandelle (MR 2031) et Le Poème héroïque de Jean Drouilly (MR 1838).
Après avoir été brisée par la tempête de 1990, L’Asie de Roger (MR 2085) fut mise à l’abri et remplacée par une réplique (inv. 2009.00.079).
En 2006, ruiné par l’érosion, Le Flegmatique de Lespagnandelle (MR 2031) fut lui aussi mis à l’abri puis remplacé par une réplique (inv. 2009.00.090).
Entre 2008 et 2014, dans le cadre de la campagne de mise à l’abri systématique des chefs-d’œuvre sculptés des jardins de Versailles, toutes les sculptures de la Grande Commande présentées sur le parterre du Nord ont été sauvées :
- en 2008 : La Terre de Massou (MR 2048) et La Nuit de Raon (MR 2081) ;
- en 2009 : L’Hiver de Girardon (MR 1864), L’Amérique de Guérin et Van Émenryck (MR 1872), L’Europe de Mazeline (MR 2050) et L’Automne de Regnaudin (MR 2082) ;
- en 2010 : L’Afrique de Sibrayque et Cornu (MR 1792) et Le Poème héroïque de Drouilly (MR 1838) ;
- en 2011 : Le Poème pastoral de Granier (MR 1871) ;
- en 2012 : L’Été des Hutinot père et fils (MR 1883) ;
- en 2013 : Le Poème satirique de Buyster (MR 1772).
Toutes ces œuvres ont été remplacées sur le parterre du Nord par des moulages : La Terre (inv. 2009.00.112), La Nuit (inv. 2009.00.152), L’Hiver (inv. 2010.00.011), L’Amérique (inv. 2010.00.004), L’Europe (inv. 2010.00.008), L’Automne (inv. 2010.00.010), L’Afrique (inv. 2011.00.586), Le Poème héroïque (inv. 2011.00.017), Le Poème pastoral (inv. 2012.00.666), L’Été (inv. 2014.00.902) et Le Poème satirique (inv. 2015.00.031).
Les vases de marbre
L’inventaire de 1686 indique trois vases de marbre, outre les vases de bronze, sur la tablette méridionale du parterre du Nord6464. Inventaire des sculptures des jardins de Versailles, 1686, p. 93, no 137 (Mazière), 138 (Hurtrelle) et 139 (Drouilly). : un vase en marbre de Lévanto (MR 2897) par Simon Mazière, un vase en marbre de Campan (MR 2898) par Simon Hurtrelle et un vase en marbre de Languedoc (inv. 2012.00.683) par Jean Drouilly.
De part et d’autre du degré du parterre du Nord, les deux derniers sont visibles sur le tableau d’Étienne Allegrain (fig. 3), commandé en 1688.
Selon l’Estimation faite le 15e aoust 1692 pour servir aux parfaits payemens, le vase de Drouilly (inv. 2012.00.683) est situé à l’extrémité occidentale de la tablette et les vases d’Hurtrelle (MR 2898) et de Mazière (MR 2897) de part et d’autre du degré du parterre du Nord, le premier à l’ouest, le second à l’est6565. Estimation du 15 août 1692, no 226 (Drouilly), 227 (Hurtrelle) et 230 (Mazière)..
Il n’est pas impossible qu’un quatrième vase ait été placé à l’extrémité orientale de la tablette, le plan gravé de Jean Raymond d’après un dessin du fontainier Dominique Girard (fig. 5) indiquant en 1714 la présence de quatre vases « de marbre jaspé » sur la tablette méridionale du parterre du Nord. S’il a existé, il est impossible d’en connaître le modèle ni la localisation actuelle.
Le vase en marbre de Languedoc (inv. 2012.00.683) de Drouilly est encore attesté en place par la Notice des tableaux, statues, vases, bustes, etc., composant le musée spécial de l’École française en 1801-1802.
Le Cicerone de Versailles de 1804 signale à sa place un autre vase, en marbre blanc, représenté par Michel-Antoine Garreau en 1816. C’est le vase (MR 2926) encore en place aujourd’hui.
Le vase en marbre de Languedoc (inv. 2012.00.683) de Drouilly a été identifié au pavillon des Roulettes en 2012, dans le cadre du récolement.
Sur le parterre du Nord proprement dit, l’inventaire de 1686 mentionne quatre paires de vases :
- les deux vases de François Girardon, Le Triomphe de Téthys (MR 3003) et Le Triomphe de Galatée (MR 3004), achevés depuis 1683 ;
- deux Vases à décor de branches de chêne et de fleurs de lys de Jean Cornu (MR 2784 et MR 2785), achevés depuis 1684 ;
- deux Vases ornés de symboles bachiques (MR 2975 et MR 2976), dont des peaux de chevreuils, l’un par Jacques Grimault, l’autre par Simon Hurtrelle ;
- à proximité de la Pyramide, les deux vases de Jean Rousselet, Sacrifice dionysiaque, dit alors Mariage antique (MR 2939), et Ivresse de Silène, dit alors Bacchanale (MR 2940), exécutés durant le séjour du sculpteur à Rome, c’est-à-dire entre 1680 et 1683.
Grâce au plan non daté, mais qui porte les numéros de l’inventaire de 1686 (fig. 6), et grâce au tableau d’Allegrain (fig. 3), il est possible de localiser précisément les vases du parterre du Nord :
- les deux vases de Girardon, avec leur couvercle, de part et d’autre de l’allée centrale du parterre, au bas du degré : le vase du Triomphe de Galatée (MR 3004) à l’est, le vase du Triomphe de Téthys (MR 3003) à l’ouest.
- les deux vases de Grimault et Hurtrelle (MR 2975 et MR 2976) aux angles sud-ouest et sud-est du parterre.
- les deux vases de Cornu (MR 2784 et MR 2785) en position médiane, toujours du côté sud.
- les deux vases de Rousselet (MR 2939 et MR 2940) de part et d’autre de l’allée centrale, devant la Pyramide.
Le dispositif attesté en 1686 est encore confirmé par l’édition de 1701 du guide de Jean-Aymar Piganiol de La Force6666. Piganiol de La Force, 1701, p. 170-173..
Curieusement, le plan qui peut être rapporté à l’inventaire de 1686 (fig. 6) montre deux socles supplémentaires, dans les angles nord-est et nord-ouest du parterre, probablement pour deux vases. Il est impossible de savoir à quelles sculptures ils correspondaient. Ces deux socles ne sont signalés que par cette source. Un plan dessiné datable de 1687-1693, ne représentant que la partie orientale du parterre, montre également le socle situé dans l’angle nord-est6767. Agence des Bâtiments du roi, vers 1687-1693..
L’édition de 1707 du guide de Piganiol de La Force n’indique plus que quatre vases en bordure méridionale du parterre du Nord6868. Piganiol de La Force, 1707, p. 181. :
- les deux premiers – de part et d’autre de l’allée centrale – sont les Vases aux anses formées d’un terme phytomorphe (MR 2977 et MR 2978) de Claude Bertin ;
- « Les deux qui viennent ensuite » sont les deux vases de Cornu (MR 2784 et MR 2785).
Les vases de Bertin provenaient du bosquet de la Salle du Conseil.
Ils ont remplacé les vases de Girardon (MR 3003 et MR 3004), transférés à Trianon.
Le plan général de Girard et Raymond (fig. 5), publié en 1714, montre les emplacements occupés par ces quatre vases.
Les vases de Cornu ont donc été déplacés de leur position intermédiaire aux angles nord-ouest et nord-est du parterre.
Ce dispositif est encore attesté par le catalogue d’Eudore Soulié en 18616969. Soulié, 1859-1861, t. III, 1861, p. 503.. Il est également visible sur des clichés anciens, non datés, mais du début du xxe siècle.
Il a été modifié par la suite, probablement lors des déposes liées aux mesures de défense passive en 1940 : aujourd’hui, les vases de Bertin sont aux angles nord-ouest et nord-est du parterre du Nord, tandis que les vases de Cornu sont de part et d’autre de l’allée centrale.
Les deux vases de Rousselet (MR 2939 et MR 2940) quittèrent le parterre du Nord entre février et juillet 1819 pour le Jardin du Roi7070. Correspondance du comte de Forbin avec le comte de Pradel, janvier-juillet 1819..
Ils furent remplacés après 1831 sur le parterre du Nord par les vases des Enfants jouant (MR 1654) et Enfants chassant (MR 1655) provenant de Rambouillet (où ils sont attestés par l’inventaire MR) et antérieurement des magasins de Versailles.
La présence de ces nouveaux vases sur le parterre du Nord n’est signalée pour la première fois que par l’inventaire de 1850.
Sur la tablette occidentale du parterre du Nord, douze vases de marbre (MR 2927-2938), d’origine inconnue, sont attestés pour la première fois par le Cicerone de 18047171. Duchesne, 1804, p. 78..
Les termes du rond-point des Philosophes
Aucun terme n’est indiqué sur le parterre du Nord par l’inventaire de 1686. En revanche, l’un des plans non datés (fig. 7) qui peuvent lui être rapportés associe le numéro 116 à l’emplacement occupé aujourd’hui par le terme d’Ulysse (MR 2039) : il s’agit d’une statue réputée antique de Femme couronnée de raisins et de feuilles de vigne (Vjs 1065). Un autre plan (fig. 8) appartenant au même ensemble montre l’emplacement de deux socles de part et d’autre de l’entrée du bosquet du Théâtre d’Eau : l’un de ces socles pourrait correspondre à la statue réputée antique de Femme couronnée de houx (Vjs 1064).
À l’angle nord-ouest du parterre du Nord, entre deux alignements de la Grande Commande et au départ des allées menant aux bassins de Cérès et de Neptune, le plan des termes de 1692 (fig. 9) signale la présence de cinq termes :
- trois termes de sages de l’Antiquité, exécutés entre 1685 et 1688 : Isocrate (MR 1870) de Pierre Granier, Théophraste, dit aussi Hippocrate (MR 1881), de Simon Hurtrelle et Pittacus, dit aussi Apollonius (MR 2055), de Barthélemy de Mélo – ce dernier réalisé d’après l’effigie du général romain Pescennius, dont un plâtre était conservé parmi les moulages de la collection royale ;
- deux termes sans rapport avec cet ensemble, sculptés entre 1686 et 1688 : Junon (MR 1786) par Jean-Jacques Clérion – qui l’avait livré avant août 1689 –, et Pan, ou Faune (MR 2052), par Simon Mazière.
Selon le plan de 1692 (fig. 9), les cinq termes étaient répartis ainsi, du sud vers le nord, dans le sens des aiguilles d’une montre : Pittacus (n° 27 ; MR 2055), Isocrate (n° 28 ; MR 1870), Théophraste (n° 29 ; MR 1881), Junon (n° 30 ; MR 1786) et Pan (n° 31 ; MR 2052).
Les trois termes de sages de l’Antiquité forment un ensemble en rupture avec l’inspiration mythologique des jardins. Ils vinrent compléter l’amorce faite au bas du parterre de Latone avec Diogène (MR 2030) et Platon (MR 2091) : une sorte de cabinet de méditation en plein air fut de la sorte constitué autour de quelques figures célèbres pour leur pensée politique et philosophique.
Il est impossible de savoir pour quelle raison les cinq termes ne furent pas tous placés au rond-point des Philosophes.
Entre 1692 et 1694, le terme de Pan (MR 2052) quitta le parterre du Nord pour la demi-lune du bassin d’Apollon. En 1695, celui de Junon (MR 1786) connut le même sort.
Ils furent remplacés :
- provenant du bassin d’Apollon, par le terme d’Ulysse (MR 2039) de Philippe Magnier ;
- et par un terme supplémentaire de philosophe, livré en 1695, celui de Lysias (MR 1829) de Dedieu.
Doté de la plante (le moly) qui lui donna la force de résister aux enchantements de la magicienne Circé, le terme d’Ulysse (MR 2039) aurait dû prendre place en face de celui de Circé (MR 2036), exécuté par le même sculpteur, au bas du parterre de Latone, ainsi que le prévoyait une annotation portée sur le plan de 1692 (fig. 9).
Le sculpteur Pierre Laviron reçut un paiement pour un « terme en marbre représentant un Philosophe, pour le petit parc » en juin 16857272. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 621, paiement du 24 juin 1685.. Laviron étant mort la même année, il est vraisemblable que l’exécution du terme (Vjs 767) ne fut jamais achevée ou qu’elle fut confiée à un autre sculpteur.
Selon le plan gravé par Raymond d’après Girard et publié en 1714, les termes du rond-point des Philosophes étaient répartis ainsi, du sud vers le nord, dans le sens des aiguilles d’une montre : Pittacus (n° 63 ; MR 2055), Isocrate (n° 62 ; MR 1870), Théophraste (n° 61 ; MR 1881), Lysias (n° 60 ; MR 1829) et Ulysse (n° 59 ; MR 2039).
En 1903, le dispositif signalé par le guide de Masson est encore conforme à cet état7373. Masson, 1903, pl. 11..
À l’instar des statues et vases de marbre et de bronze du parterre, les termes du rond-point des Philosophes ont été déposés en 1939 ou 1940, en application des mesures de défense passive. Lors de leur remise en place en 1940 ou 1941, le terme d’Ulysse (MR 2039) a été interverti avec celui de Pittacus, dit aussi Apollonius (MR 2055) et le terme de Lysias (MR 1829) avec celui d’Isocrate (MR 1870). Ce changement de disposition introduisit une confusion durable entre les termes de Lysias et d’Isocrate.
Dans le cadre de la campagne de sauvetage systématique des plus beaux termes de marbre des jardins de Versailles, menée depuis 2011, tous les termes du rond-point des Philosophes ont été mis à l’abri : le terme de Pittacus, dit aussi Apollonius (MR 2055) en 2012, ceux d’Isocrate (MR 1870), d’Ulysse (MR 2039), de Théophraste, dit aussi Hippocrate (MR 1881) et de Lysias (MR 1829) en 2018. Ils ont été progressivement remplacés par des répliques : Pittacus, dit aussi Apollonius (inv. 2015.00.032) en 2015, Ulysse (inv. 2019.00.116), Théophraste, dit aussi Hippocrate (inv. 2019.00.201) en 2019, Isocrate (inv. 2020.00.009) en 2020 et Lysias (inv. 2019.00.202) en 2022. En 2022, les répliques des termes d’Ulysse, de Pittacus, dit aussi Apollonius, d’Isocrate et de Lysias ont été installées aux emplacements que les originaux occupaient jusqu’en 1939.
Sculptures du degré
L’inventaire de 1686 signale deux sculptures en marbre de part et d’autre du degré central :
- le Rémouleur Médicis, dit aussi Le Rotator (MR 1853), commandé en 1684 et copié d’après l’antique par le sculpteur florentin Giovanni Battista Foggini7474. Correspondance de Louvois, 1683-1684, p. 94, lettre de Louvois du 11 janvier 1684. ;
- la Vénus accroupie (MR 1826), exécutée par Antoine Coysevox en 1685-1686, libre interprétation des modèles antiques des collections Médicis et Borghèse.
La Vénus accroupie (MR 1826) de Coysevox est encore attestée en place par l’Almanach de Versailles en 1800. La Notice des tableaux, statues, vases, bustes, etc., composant le musée spécial de l’École française en 1801-1802 la signale à l’intérieur du château, sans en préciser l’emplacement.
Elle fut remplacée sur le parterre du Nord par une seconde version en marbre du Rémouleur (MR 1954), d’origine inconnue, mentionnée par les éditions de 1804 et de 1806 du Cicerone de Versailles.
La Vénus accroupie (MR 1826) de Coysevox fut ensuite replacée sur le parterre du Nord, où elle est attestée par l’édition de 1808 du Cicerone de Versailles, tandis que le Rémouleur (MR 1954) était transféré à Trianon.
La Vénus accroupie (MR 1826) de Coysevox quitta de nouveau le parterre du Nord en 1871, date à laquelle elle fut transférée au musée du Louvre.
Au même moment, le Rémouleur (MR 1853) fut également transféré au musée du Louvre. Il fut placé au jardin des Tuileries de 1872 à 1992, date à laquelle il fut mis à l’abri, ruiné, à l’intérieur du musée du Louvre.
Sur le parterre du Nord, la Vénus accroupie (MR 1826) de Coysevox et le Rémouleur (MR 1853) de Foggini furent remplacés en 1871 par deux versions en bronze provenant du jardin des Tuileries et, antérieurement, de ceux de Marly :