Bosquet de la Colonnade
Situé dans la partie basse des jardins, au sud de l’allée Royale, le bosquet de la Colonnade fut précédé par le bosquet des Sources, aménagé à partir de 167811. Hedin, 1997, p. 226-238..
En 1682, les sculpteurs Jacques Houzeau et Jean Raon furent rétribués pour « ouvrages de sculpture » au bassin ou fontaine du bosquet des Sources (Vjs 1140)22. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 180, 197 et 919.. Ce bassin est connu par une gravure de Nicolas de Poilly (fig. 1).
En avril 1684, il fut question d’édifier, à la place du bosquet des Sources, un « pavillon porté par des colonnes, qui sera fermé au fonds pour y mettre le grouppe d’Apollon [MR 1866] de la grotte [de Téthys] avec les grouppes de Chevaux [MR 1873 et MR 2044] et les deux figures [MR 1884 et MR 2101] qui estoient dans les niches de ladite grotte33. Mémoire à l’attention de Louvois, 18 avril 1684. ».
Ce projet fut abandonné dès juin 1684, le roi annonçant le chantier du bosquet de la Colonnade44. Journal de Dangeau, 1684-1720, t. I, p. 28, 19 juin 1684 (« Le roi ordonna une colonnade de marbre avec de grosses fontaines dans l’endroit où étoient les Sources »)..
Sous la direction de Jules Hardouin-Mansart, le bosquet de la Colonnade fut édifié entre 1684 et 168855. Hedin, 1997, p. 239-271..
Le monument se présente comme un péristyle à ciel ouvert, un écorché d’architecture.
Deux équipes de sculpteurs furent constituées pour exécuter les trente-deux mascarons (MR Sup. 275 à MR Sup. 306; inv. 1850.9304 à inv. 1850.9335) situés à la clef des arcades et les trente-deux reliefs d’écoinçons (MR Sup. 198 à MR Sup. 229 ; inv. 1850.9336 à inv. 1850.9367).
La première, qui travailla en 1685 et 1686, était composée de treize artistes, qui furent chacun chargés de deux ou trois mascarons : Jean Cornu (Satyre, Bacchante et Satyre), Antoine Coysevox (Satyre, Nymphe et Bacchante), Jean Degoullons (Sylvain et Nymphe), Jean Drouilly (Jeune Faune et Dryade), Anselme Flamen (Faune, Hamadryade et Faune), Pierre Granier (Dryade et Faune), Louis Le Conte, dit Le Conte de Boulogne (Pan et Syrinx), Étienne Le Hongre (Sylvain, Nymphe et Marsyas), François Lespingola (Sylvain et Nymphe), Philippe Magnier (Faune et Naïade), Simon Mazière (Faune, Hamadryade et Naïade), Thomas Regnaudin (Bacchante, Thétis et Neptune) et Corneille Van Clève (Naïade et Satyre).
La répartition des sculpteurs des mascarons, numérotés de 1 à 32, est connue par un plan (fig. 2) conservé aux Archives nationales.
À l’ouest, l’arcade qui correspondait alors à la seule entrée de la Colonnade fut surmontée d’une tête de Pan, encadrée par celles d’une Bacchante et de Syrinx. L’ensemble fut conçu de manière à faire alterner les têtes masculines – faunes, satyres, sylvains, ainsi que Marsyas et, en face de Pan, Neptune – et les têtes féminines – naïades, dryades, hamadryades, bacchantes, nymphes, parmi lesquelles Thétis. Tout cet univers marin et forestier paraît dominé par la figure quelque peu lubrique de Pan.
Ce dernier poursuivit la nymphe Syrinx, mais aussi Pitys, dont la métamorphose en pin est évoquée par le motif de la pomme de pin, répété sur chacun des trente-deux vases (MR 2941 à MR 2972) en marbre placés au couronnement de la structure architecturale de la Colonnade.
D’après des modèles fournis par les mouleurs Guillaume Cassegrain puis François Langlois, ces vases furent exécutés par une équipe de sculpteurs composée de Jean Drouilly, Anselme Flamen, Pierre Granier, Jacques Houzeau, Simon Hurtrelle, Noël Jouvenet, Pierre Laviron, Louis Le Conte, dit Le Conte de Boulogne, Pierre Legros, Étienne Le Hongre, Philippe Magnier, Pierre Mazeline, Simon Mazière, Jean Raon, Thomas Regnaudin et Corneille Van Clève66. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 620-627 et 987-995. Ces vases ont été lourdement restaurés entre 1896 et 1899 (Mémoire de sculpture par Follias, 3 février 1897 ; id., 11 septembre 1897 ; id., 21 janvier 1898 et id., 29 novembre 1899 ; mémoire de marbrerie par Gruot, 22 décembre 1897 ; id., 22 décembre 1897-1)..
Travaillant en atelier et dans un second temps, de 1686 à 1688, l’autre équipe de sculpteurs était composée par Antoine Coysevox, Louis Le Conte, dit Le Conte de Boulogne, Étienne Le Hongre, qui chacun réalisèrent sept écoinçons, et Jean-Baptiste Tuby, auteur de cinq d’entre eux. Trois autres sculpteurs étaient également présents : Pierre Granier, Simon Mazière et Philibert Vigier, qui firent chacun deux reliefs.
Ces reliefs ont été étudiés par Françoise de La Moureyre77. La Moureyre, 1984.
À l’exception d’un seul (MR Sup. 211), les trente-deux écoinçons montrent chacun deux figures d’enfants ou d’Amours, dont plus de la moitié sont occupées à des activités musicales.
Situé en face de l’entrée, un des écoinçons sculptés par Coysevox (MR Sup. 213) met en scène deux Amours, l’un jouant de la lyre d’Apollon, l’autre de la flûte de Pan, tandis qu’un autre écoinçon (MR Sup. 202), dû à Mazière et placé du côté de l’entrée, représente le couronnement de l’enfant à la lyre, proclamé vainqueur. Entre les deux, sur un écoinçon réalisé par Tuby (MR Sup. 210), les deux Amours sont en lutte, celui qui tient l’instrument à vent cherchant à s’emparer de la lyre d’Apollon. De façon assez précise, ces trois écoinçons font allusion au fameux concours ayant opposé Apollon et Pan et insistent sur l’opposition entre deux univers mythologiques, le dionysiaque et l’apollinien. Deux conceptions de l’amour sont ainsi nettement distinguées, une dialectique s’instaurant en permanence entre les protagonistes des écoinçons et les figures des mascarons.
Probablement élaboré, au moins en partie, par le sculpteur François Girardon et le peintre Pierre Mignard, qui assumèrent durant la période des fonctions de maîtres d’œuvre aux côtés d’Hardouin-Mansart, le programme de la Colonnade oppose, en quelque sorte, deux conceptions du temps et de l’amour. En convoquant l’univers néo-platonicien des élites de la Renaissance, il convenait tout spécialement à l’homme de cour versaillais, pour qui le rang garantissait l’élévation de pensée et d’action. De fait, il représente un des plus hauts sommets du raffinement de la sculpture à Versailles.
À l’exception de celle de l’entrée, située à l’ouest, chaque arcade fut garnie d’une vasque disposée sur un piètement triangulaire (MR 3055 à MR 3082 et inv. 1850.9368, inv. 1850.9379 et TUIL 43). Une trente-deuxième fontaine fut prévue en avant de l’entrée du bosquet88. Mercure galant, novembre 1686, p. 161..
En 1686-1687, d’après un modèle défini par les sculpteurs Noël Jouvenet et Jean Raon et le mouleur Dimanche, les fontaines de marbre furent exécutées par une équipe composée des marbriers François Deschamps et Jacques Ergot et des sculpteurs Paul Boutet, Martin Carlier, Jean Cornu, Jean Degoullons, Jean Drouilly, Jean François, Jacques Herpin, Simon Hurtrelle, Noël Jouvenet, Jean Légeret, Henri Legrand, François Lespingola, Philippe Magnier, Simon Mazière, Michel Monier, Jean Raon, Thomas Regnaudin, Jean Regnault, Jean Robert et Corneille Van Clève99. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 988-996 et 1173 et 1184. Selon la liste de Louvois du 31 janvier 1687, les sculpteurs Degoullons, Drouilly et Légeret sont à cette date-là en train d’exécuter chacun deux pieds de bassin et Robert et Herpin chacun un pied..
En 1701, le guide de Jean-Aymar Piganiol de La Force signale encore trente et une fontaines au bosquet de la Colonnade1010. Piganiol de La Force, 1701, p. 296.. Sur le plan de Nicolas de Fer, gravé en 1705 par Charles Inselin, Plan général de Versailles, son parc, son louvre, ses jardins, ses fontaines, ses bosquets et sa ville (fig. 3), le bosquet de la Colonnade ne présente qu’une seule entrée, à l’ouest.
Quatre entrées figurent sur le Plan du bosquet de la Colonade et de la Gallerie des maroniers [sic] du recueil de Pierre Lepautre de 1711 (fig. 4).
Trois fontaines ont donc été retirées des arcades transformées en accès entre 1705 et 1711. Deux d’entre elles furent transférées au bosquet de la Salle des marronniers probablement dès 1705, date à laquelle ont été exécutés les deux vases qui les surmontent1111. Comptes des Bâtiments du Roi, 1716, fol. 135.. La troisième fut transportée, vraisemblablement la même année, dans les jardins de Marly1212. Album de vues de Marly, premier quart du xviiie siècle-1, pl. 4 « Fontaine de la Coquille / Réformé en janvier 1705 ».. Les deux fontaines du bosquet de la Salle des marronniers (inv. 1850.9368 et inv. 1850.9379) sont toujours au même emplacement, la troisième (TUIL 43) se trouve aujourd’hui au jardin des Tuileries à Paris, au centre du grand bassin rond. Les vingt-huit autres fontaines (MR 3055 à MR 3082) n’ont pas bougé.
À l’entrée historique de la Colonnade, à l’ouest, l’inventaire de 1694 mentionne la présence du groupe de La Renommée du roi de Domenico Guidi (MR 1874), qui fut peut-être transféré dès 1688 du parterre de l’Orangerie.
En 1699, le groupe de Guidi laissa la place à la statue antique d’Apollon de Smyrne (MR 79), qui provenait de la Grande Galerie du château. Pressenti en 1797 et 1799 pour être transféré au musée du Louvre, l’Apollon de Smyrne demeura à l’entrée occidentale du bosquet de la Colonnade au moins jusqu’en décembre 179913Procès-verbaux du Conseil d’administration du Musée central des Arts, janvier 1797-juin 1798, p. 115-117 (séance du 19 juillet 1797), à la p. 116 ; Procès-verbaux du conseil d’administration du Musée central des arts, juin 1798-septembre 1800, p. 242-245 (séance du 6 décembre 1799), à la p. 243..
Au moins dès 1696, il fut envisagé de placer au centre du bosquet de la Colonnade le groupe de L’Enlèvement de Proserpine par Pluton de François Girardon (MR 1865). L’installation de ce groupe eut lieu en 1699. Il fut alors disposé sur un piédestal (MR 3145) circulaire orné de reliefs, également dû à Girardon, qui y travailla de 1696 à 1699.
En 1896, le groupe de L’Enlèvement de Proserpine (MR 1865) fut mis à l’abri à l’initiative de Pierre de Nolhac, conservateur du musée de Versailles. Une copie du groupe avait été confiée au sculpteur Auguste Suchetet, qui travailla à partir de 1893. Désavoué par sa hiérarchie, Nolhac fut contraint de faire remettre le groupe au centre du bosquet de la Colonnade. Lors de sa remise en place, il fut disposé avec un léger décalage au regard du dispositif de 1699, connu par une photographie de Louis-Alphonse Davanne (fig. 5).
Le groupe de L’Enlèvement de Proserpine (MR 1865) et son piédestal (MR 3145) furent définitivement mis à l’abri en 1955 (fig. 6). Ils furent remplacés par des copies (inv. 2009.00.002 et inv. 2009.00.004) au centre du bosquet de la Colonnade en 1990 seulement, selon une disposition reconduisant celle de 1896.
Restaurés de 2007 à 2009, le groupe de L’Enlèvement de Proserpine (MR 1865) et son piédestal (MR 3145) sont présentés depuis 2009 à l’intérieur de l’Orangerie.