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Jardins de Versailles Ensembles thématiques Vases de bronze

Vases de bronze

Les vases de bronze de la tablette méridionale du parterre du Nord

Par un marché conclu en décembre 1665, moyennant la somme de 7 200 livres, le fondeur Ambroise Duval s’engagea à exécuter en bronze six vases de 26 pouces de haut, c’est-à-dire d’environ 85 cm11. Marché passé avec Duval, 13 décembre 1665.. Le marché indique que les modèles de ces vases ont été élaborés, à partir de dessins de l’orfèvre Claude Ballin, par les sculpteurs Anguier (François ou Michel) et Nicolas Legendre22. Un paiement de juin 1668 est libellé à Pierre Ballin « pour les desseins qu’il a faits des vases de bronze de Versailles » (Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 216). Il n’est pas exclu que Claude ait associé son frère à la conception des vases de Versailles (Bimbenet-Privat, 2003, p. 224).. D’après les paiements, il est possible de savoir que Legendre a fourni quatre modèles en cire, et Anguier deux33. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 79-80..

Il est tentant d’identifier ces vases à ceux que mentionne, en 1669, La Promenade de Versailles de Madeleine de Scudéry « sur la balustrade du premier parterre », parmi lesquels ceux « où l’on voit de petits enfans appuyez sur les ances des vases, qui, avec une attention enfantine, semblent admirer les fleurs dont ils sont remplis44. Scudéry, 1669, p. 66. ».

Sur la tablette du parterre du Nord, l’inventaire de 1686 signale « plusieurs vazes de bronze, du dessin de Mr Bazin [sic] et fondu par Duval55. Inventaire des sculptures des jardins de Versailles, 1686, p. 93. ».

En 1695, les Remarques historiques de Mme Jourdain précisent que les vases de la tablette du parterre du Nord sont au nombre de douze66. Description des jardins de Versailles par Jourdain, janvier 1695, fol. 31v.. Les six vases supplémentaires sont peut-être parmi les huit qui furent exécutés en 1679-1681 par Ambroise Duval77. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1181 et 1315 ; t. II, col. 55..

Le précieux tableau d’Étienne Allegrain (fig. 1), peint entre 1688 et 1695, offre une vision partielle de la tablette du parterre du Nord, garnie de dix vases : de gauche à droite, un vase aux anses formées d’une tête de satyre, un vase aux anses ornées d’une tête de loup, un vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour, un vase aux anses formées d’une sirène, puis, après les deux vases à décor de médaillons de la partie centrale, un vase aux anses supportées par deux visages grimaçants, un vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour, un vase aux anses formées d’une sirène et un vase aux anses supportées par deux visages grimaçants.

Jardins de Versailles - Promenade de Louis XIV en vue du parterre du Nord
fig. 1 - Étienne Allegrain, Promenade de Louis XIV en vue du parterre du Nord, 1688. Huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 752 © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Le Vase aux anses formées de volutes surmontant un mascaron (MR 3434 et MR 3435) a été gravé en 1672 par Jean Lepautre88. Préaud, 1993, p. 193. : la lettre de la gravure stipule Vase de bronze de 2 pieds 6 pouces de haut à Versailles par François Anguier de la ville d’Eu. Sous la couronne de laurier, la gravure montre une frise de fleurs de lys supprimée en 1794.

Sous le titre Vase de bronze de 2 pieds six pouces de haut à Versailles par Claude Ballin de Paris, le Vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour (MR 3432 et MR 3433) a été gravé en 1673 par Jean Lepautre99. Préaud, 1993, p. 193.. La gravure est conforme au dessin de la Bibliothèque nationale de France, qui indique que ce vase de Ballin date de 1665 et qu’il a été « exécuté en bronze à Versailles1010. Agence des Bâtiments du roi (fonds Robert de Cotte), seconde moitié du xviie siècle, dessin no 1906 (microfilm F 001627). ». Le motif des armes royales, remplacé en 1794, est bien visible sur la panse.

De part et d’autre du degré central, les deux Vases aux anses terminées par une tête de lion et à décor de médaillons (MR 3422 et MR 3423) ne sont pas mentionnés par les Remarques historiques de Mme Jourdain, mais ils figurent sur le tableau d’Allegrain (fig. 1).
Plus grands que tous les autres vases de la tablette, ces deux vases sont probablement ceux mentionnés par les sources comptables en mai 1666 : « À Anguier, pour le dessein et model en cire qu’il faict de deux grands vases de bronze qu’il faict pour Versailles1111. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 133.. »
Ces deux vases avaient probablement été exécutés pour le bosquet du Théâtre d’Eau (voir plus bas).

L’inventaire de 1707 fournit la première description précise des vases de la tablette du parterre du Nord, disposés en sept paires, tous attribués à Duval et, pour les modèles, à Ballin1212. Inventaire des sculptures, 1707, p. 989-990.. L’ordre donné par l’inventaire de 1707 correspond à la situation actuelle : de part et d’autre du degré central, les Vases aux anses terminées par une tête de lion et à décor de médaillons (MR 3422 et MR 3423), puis les Vases aux anses formées de volutes surmontant un mascaron (MR 3434 et MR 3435), les Vases aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour (MR 3432 et MR 3433), les Vases aux anses supportées par deux visages grimaçants (MR 3428 et MR 3429), les Vases aux anses formées d’une sirène (MR 3430 et MR 3431), les Vases aux anses ornées d’une tête de loup (MR 3426 et MR 3427) et les Vases aux anses formées d’une tête de satyre (MR 3424 et MR 3425).

L’inventaire de 1707 date de 1668 les deux Vases aux anses terminées par une tête de lion et à décor de médaillons (MR 3422 et MR 3423)1313. Inventaire des sculptures, 1707, p. 989-990.. Il est tentant de les identifier aux deux vases pour lesquels Duval fut rétribué en 1670-16711414. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 420, 523 et 527..

Le tableau d’Allegrain (fig. 1) montre également au moins quatorze vases de bronze sur la tablette occidentale du parterre du Nord.
Il n’est pas impossible que ces vases aient été transférés sur le parterre du Midi, représenté par le même Allegrain (fig. 2) avant 1692. Ce ne sont là que de pures conjectures, aucun modèle de ces vases n’étant identifiable.

Jardins de Versailles - L’Orangerie du château de Versailles
fig. 2 - Étienne Allegrain (attr. à), L’Orangerie du château de Versailles, vers 1688. Huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 6812 © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

Les vases de bronze de la tablette septentrionale du parterre du Midi

Sur la tablette septentrionale du parterre du Midi, douze vases de bronze sont signalés pour la première fois en 1695 par les Remarques historiques de Mme Jourdain1515. Description des jardins de Versailles par Jourdain, janvier 1695, fol. 32v..

L’inventaire de 1707 énumère sept paires de vases fondus par Duval d’après des modèles du sculpteur Jean-Baptiste Tuby1616. Inventaire des sculptures, 1707, p. 998-1003. :

  • deux Vases aux anses formées d’une tête de faune surmontée d’une chimère (MR 3420 et MR 3421) ;
  • deux Vases aux anses formées d’une tête de bouc surmontée d’un satyre (MR 3418 et MR 3419) ;
  • deux Vases aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’une sphinge (MR 3416 et MR 3417) ;
  • deux Vases aux anses formées d’un protomé de lion (MR 3412 et MR 3413) ;
  • deux Vases aux anses formées d’une hure de sanglier surmontée d’un buste bicéphale (MR 3414 et MR 3415) ;
  • deux Vases aux anses formées d’un dragon (MR 3410 et MR 3411) ;
  • deux Vases aux anses formées d’une tête de bélier surmontée d’une double corne d’abondance (Vjs 1000).

L’inventaire de 1707 situe par erreur la deuxième paire sur la tablette du parterre du Nord : à la suite de Mme Jourdain, le guide de Jean-Aymar Piganiol de La Force, en 1701 et en 1707, signale bien douze vases de bronze sur la tablette septentrionale du parterre du Midi1717. Piganiol de La Force, 1701, p. 231, et 1707, p. 245..
Les six autres paires recensées par l’inventaire de 1707 sont disposées sur la tablette du parterre de l’Orangerie, c’est-à-dire du parterre du Midi.

L’attribution de ces vases à Ambroise Duval par l’inventaire de 1707 est à l’origine d’une confusion durable avec ceux de la première série.

La mention de Tuby invite en revanche à rapprocher cet ensemble de quatorze vases de ceux mentionnés par le marché de juin 1665, par lesquels les fondeurs François Picard et Denis Prévost s’engagèrent à exécuter six vases de 26 pouces de haut (environ 85 cm), à partir de dessins de Claude Ballin, d’après des modèles fournis par les sculpteurs Laurent Magnier et Jean-Baptiste Tuby1818. Marché entre Picard et Prévost, 7 juin 1665.. Au vu des paiements, il est possible de savoir que Magnier a fourni quatre modèles en cire, et Tuby deux1919. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 79-80..

Le Vase aux anses formées d’une tête de faune surmontée d’une chimère, le Vase aux anses formées d’une tête de bouc surmontée d’un satyre et le Vase aux anses formées d’un dragon ont été gravés par Jean Lepautre en 16732020. Préaud, 1993, p. 193-194..
Un dessin conservé de la Bibliothèque nationale est à mettre en rapport avec le vase aux anses formées d’une tête de bouc surmontée d’un satyre2121. Agence des Bâtiments du roi (fonds Robert de Cotte), seconde moitié du xviie siècle, dessin no 1907 (microfilm F 001628). : il porte le nom de Ballin et la date de 1665 et il indique que le vase a été « exécuté à Versailles en bronze, hors que les satires sont enfans ». De fait, il comporte de nombreuses variantes au regard du vase de bronze et de la gravure : outre les satyres, qui sont nettement plus jeunes et dont l’attitude et les gestes sont différents, la panse est ornée de manière plus sobre, avec seulement le médaillon des armes royales (aujourd’hui remplacées par le motif de la balance).

La dernière des sept paires de vases signalées par l’inventaire de 1707 sur la tablette du parterre de l’Orangerie correspond à deux Vases aux anses formées d’une tête de bélier surmontée d’une double corne d’abondance (Vjs 1000).
Cette paire de vases est située par l’inventaire de 1722 sur la tablette orientale du parterre du Midi2222. Inventaire des sculptures, 1722, p. 58..

Compte tenu de la date précoce du marché, il n’est pas impossible que les quatorze vases mentionnés en 1707 aient été primitivement disposés sur la tablette du parterre du Nord. En tout état de cause, ils ne purent gagner celle du parterre du Midi qu’après le démontage, en 1685, de la clôture du parterre de l’Amour2323. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 608, paiement du 24 juin 1685 au charpentier François Potage pour « avoir démonté et transporté au magasin les termes et grilles qui fermoient le parterre d’Amour au petit parc »..

La duplication des vases de Picard et Prévost fut probablement antérieure à 1692, si l’on se fie au tableau attribué à Étienne Allegrain (fig. 2) représentant l’Orangerie et le parterre du Midi, non daté mais qui montre encore les vases de la balustrade de l’Orangerie, déplacés en 1692 selon une mention figurant sur un inventaire des sculptures de Marly2424. Inventaire des sculptures des jardins de Marly, 15 juillet 1695.. Ce tableau montre en effet douze vases sur la tablette septentrionale du parterre du Midi, ainsi que, il est vrai, neuf vases sur la tablette orientale et six vases sur la tablette occidentale.

Le nombre et la disposition des vases de bronze sur la tablette septentrionale du parterre du Midi sont précisément indiqués par l’inventaire de 17222525. Inventaire des sculptures, 1722, p. 56-58. :

  • de part et d’autre du degré central, les Vases aux anses formées d’une tête de faune surmontée d’une chimère (MR 3420 à l’ouest et MR 3421 à l’est) ;
  • les Vases aux anses formées d’une tête de bouc surmontée d’un satyre (MR 3418 à l’ouest et MR 3419 à l’est) ;
  • les Vases aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’une sphinge (MR 3416 à l’ouest et MR 3417 à l’est) ;
  • les Vases aux anses formées d’un protomé de lion (MR 3412 à l’ouest et MR 3413 à l’est) ;
  • les Vases aux anses formées d’une hure de sanglier surmontée d’un buste bicéphale (MR 3414 à l’ouest et MR 3415 à l’est) ;
  • les Vases aux anses formées d’un dragon (MR 3410 à l’ouest et MR 3411 à l’est).

Selon l’édition de 1724 du guide de Piganiol de La Force, seuls deux vases de bronze sont attestés sur la tablette septentrionale du parterre du Midi2626. Piganiol de La Force, 1724, t. II, p. 84.. Cet état est confirmé par le plan gravé de l’abbé Jean Delagrive, publié en 1753 (fig. 3). Les deux vases qui seuls seraient restés en place sont les Vases aux anses formées d’une tête de faune surmontée d’une chimère (MR 3420 et MR 3421).
Cependant, le plan général de Versailles gravé de l’abbé Delagrive, publié en 1746, de même que le plan de Jean-André Hervet, publié en 1768, attestent la présence de douze vases de bronze sur la tablette septentrionale du parterre du Midi.

Jardins de Versailles - Bosquets de Versailles
fig. 3 - Jean Delagrive, Bosquets de Versailles, 1753. Gravure. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, inv. gravures 441 © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Franck Raux

La situation actuelle correspond à l’état de 1722.

Autres vases de bronze

Dans sa description versifiée des jardins de Versailles, rédigée vers 1675, le fontainier Claude Denis mentionne douze vases de bronze au bosquet du Théâtre d’Eau2727. Description par Denis, vers 1675, fol. 47.. Dix de ces vases sont visibles sur une gravure d’Israël Silvestre, Le Théâtre d’Eau dans les jardins de Versailles, datée de 1680 (fig. 4) : de gauche à droite, c’est-à-dire d’est en ouest, un Vase aux anses terminées par une tête de lion et à décor de médaillons, un Vase aux anses formées d’une tête de bouc surmontée d’un satyre, un Vase aux anses formées de volutes surmontant un mascaron, un Vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour, un Vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’une sphinge. En revanche, les dix vases sont tous du même modèle, aux anses formées d’une sirène, sur un tableau de Jean Cotelle (fig. 5) et sur la gravure que Charles-Louis Simonneau, dit Simonneau le jeune, exécuta d’après ce dernier, Veue principale du Théâtre d’Eau dans le jardin de Versailles, datée de 1689. Ces vases ne sont signalés par aucun inventaire.

Jardins de Versailles - Le Théâtre d’Eau dans les jardins de Versailles
fig. 4 - Israël Silvestre, Le Théâtre d’Eau dans les jardins de Versailles, 1680. Gravure. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, GR 155.18 © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin
Jardins de Versailles - Vue de l’amphithéâtre du bosquet du Théâtre d’eau avec la toilette de Psyché
fig. 5 - Jean Cotelle, Vue de l’amphithéâtre du bosquet du Théâtre d’eau avec la toilette de Psyché, 1688. Huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 738 © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

En 1679, le sculpteur Pierre Granier fut rétribué « à compte des modelles et cires pour deux vases de bronze » (Vjs 854)2828. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1161-1162.. En juillet 1680, il reçut un parfait paiement pour « quatre modelles de vazes faits en cire pour estre jettez en bronze pour les jardins de Versailles2929. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1289, paiement du 14 juillet 1680. ».

En 1679, Prévost fut rétribué pour « six vases de bronze qu’il fond pour Versailles3030. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1182, paiements de mai-novembre 1679. ». Il n’est pas précisé si ces vases étaient destinés aux jardins du château, mais il n’est pas impossible qu’il se soit agi des vases pour lesquels Granier avait fourni des modèles.

Prévost fut aussi rétribué en 1681 pour l’achat de cuivre en vue de la fonte de six vases3131. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 59, paiement du 9 avril 1681.. Il est impossible de savoir où ces vases furent placés, si tant est qu’ils aient été transportés jusqu’à Versailles.

En 1681, Duval reçut le parfait paiement de 9 995 livres pour huit vases de bronze fournis à Versailles3232. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 89, paiement du 1er juillet 1681.. Un paiement antérieur, également de 1681, précise que ces vases sont destinés aux jardins de Versailles3333. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 55, paiement du 9 février 1681..

Mentionné par les sources comptables en 1683, Pierre Le Nègre est l’auteur de six vases de bronze pour Versailles3434. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 314, paiement du 2 juillet 1683.. Il n’est pas précisé si ces vases étaient destinés aux jardins du château. Rétribués à hauteur de 7 200 livres, ces derniers pourraient correspondre à la duplication d’une des séries déjà mentionnées de Duval ou de Picard et Prévost.

Sur les tableaux d’Allegrain évoqués plus haut (fig. 1 et fig. 2), au moins quatorze vases de bronze sont représentés sur la tablette occidentale du parterre du Nord et, sur le parterre du Midi, neuf vases de bronze sur la tablette orientale et six sur la tablette occidentale.
Il est possible que les vases de la tablette occidentale du parterre du Nord, représentés par Allegrain (fig. 1) probablement en 1688, aient été transférés sur le parterre du Midi, représenté par le même Allegrain (fig. 2) avant 1692. Ce ne sont là que de pures conjectures, aucun modèle de ces vases n’étant identifiable.

Comme on l’a vu, la dernière des sept paires de vases signalées par l’inventaire de 1707 sur la tablette du parterre de l’Orangerie correspond à deux Vases aux anses formées d’une tête de bélier surmontée d’une double corne d’abondance (Vjs 1000). Cette paire de vases est située par l’inventaire de 1722 sur la tablette orientale du parterre du Midi3535. Inventaire des sculptures, 1722, p. 58.. Elle correspond peut-être aux deux vases compris dans les paiements de 1679-1681 cités plus haut à propos de Duval3636. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1181 et 1315 ; t. II, col. 55.. Elle est en outre connue grâce à la gravure de Jean Lepautre datant de 1673 (Vase de bronze de 2 pieds 6 pouces de haut à Versailles par Claude Ballin de Paris)3737. Préaud, 1993, p. 194. Daté de 1665, le dessin de ce vase, avec variantes, est conservé à la Bibliothèque nationale (Agence des Bâtiments du roi [fonds Robert de Cotte], seconde moitié du xviie siècle, dessin no 1908, microfilm F 001629).. Ces deux vases ne sont plus localisés aujourd’hui.

Sans que leur auteur soit indiqué, dix vases de bronze doré (Vjs 1175 et Vjs 1182), de deux modèles différents, sont signalés à l’intérieur de l’Orangerie par l’inventaire de 17073838. Inventaire des sculptures, 1707, p. 1004-1005. Il n’est pas impossible que ces vases aient été installés dès 1689 puisqu’un paiement du 3 avril 1689 concerne « huit pieds d’estaux » faits par le marbrier François Deschamps « pour l’orangerie de Versailles » (Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. III, col. 292).. Ils ne sont plus localisés aujourd’hui.

Au moins deux des vases figurant au sein d’un recueil non daté de dessins de vases en marbre et en bronze de Versailles et de Trianon sont explicitement décrits comme étant en bronze et localisés, l’un dans les jardins de Versailles, « proche les Cascades à Versailles » (Vjs 1096), l’autre à « Trianon », « proche l’escaill[ier] » (Vjs 1097)3939. France-xviie ou xviiie siècle, vers 1700, fol. 7, 8 et 9.. Ils n’apparaissent dans aucun inventaire.

De même, deux planches du recueil intitulé Veues de Versailles gravées sur les desseins au naturel par Guillaume Swidde montrent des vases, l’une d’entre elles indiquant qu’il s’agit de vases de bronze situés dans l’Orangerie4040. Swidde, vers 1685, fol. 83 « Vazes de bronze dans l’Orangerie de Versailles ».. Pour autant, aucune autre mention ne vient en attester la présence et ils ne correspondent à aucun des descriptifs consignés dans l’inventaire de 1707.

Les vases de bronze du xixe siècle

En 1851-1852, dix-huit vases de bronze (inv. 2009.00.093 à inv. 2009.00.110) dus au fondeur Christophe-François Calla furent livrés à Versailles pour compléter la série des vases exécutés d’après des modèles de Ballin4141. Acte d’engagement de Calla, 2 juillet 1851 ; Mémoire de fonte de bronze par Calla, 12 février 1852 ; Id., 10 juin 1852..
Ces vases sont signés du nom du fondeur et datés de 18524242. Sur Calla, voir Jean-François Belhoste, « Les débuts de la fonte d’ornement à Paris. Le rôle des Calla père et fils (1820-1860) », Métal à ciel ouvert. La sculpture métallique d’extérieur du xixe siècle au début du xxe siècle, Paris, 2014, p. 24-31..
Ils reprennent tous les modèles de la tablette septentrionale du parterre du Midi, ainsi que trois modèles de la tablette méridionale du parterre du Nord.
Ils sont attestés pour la première fois sur les tablettes latérales du parterre du Midi par le catalogue d’Eudore Soulié en 18554343. Soulié, 1854-1855, t. II, 1855, p. 765-766..
Le bronze utilisé par Calla provenait d’une tête colossale de cheval, réplique de celle de la statue équestre de Louis XIV fondue en 1831 par Auguste-Jean-Marie Carbonneaux d’après un modèle de Jean-Baptiste Debay pour la ville de Montpellier4444. Lettre du comte de Nieuwerkerke à Baroche du 21 août 1850. Sur la statue équestre de Louis XIV, voir en dernier lieu Alexandre Maral, « La statue équestre de Louis XIV à Versailles », La Revue des Musées de France. Revue du Louvre, octobre 2010, p. 71-80, à la p. 74..

Calla reproduisit, en deux exemplaires, neuf modèles du xviie siècle4545. En 1859, quatre vases de bronze (le vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’une sphinge, le vase aux anses supportées par deux visages grimaçants, le vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour et le vase aux anses formées d’une tête de faune) furent envoyés à la Manufacture de Sèvres pour être copiés en terre cuite vernissée (Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, F21 1677, lettre de Charles-Auguste Questel à Achille Fould, ministre de la Maison de l’empereur, 14 novembre 1859). Ces répliques étaient destinées aux jardins du Grand Trianon, où elles trouvèrent place jusqu’en 1890 (Gabriela Lamy, « Vases bleus de Sèvres à Trianon (1861-1890) », Sèvres, no 28, 2019, p. 48-59).. Les deux séries identiques furent disposées sur les tablettes orientale et occidentale du parterre du Midi, chaque vase étant placé en face de son double.

Sur la tablette orientale, du nord au sud :

  • Vase aux anses formées d’une sirène (inv. 2009.00.110) ;
  • Vase aux anses formées d’une tête de faune (inv. 2009.00.109) ;
  • Vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour (inv. 2009.00.108) ;
  • Vase aux anses supportées par deux visages grimaçants (inv. 2009.00.107) ;
  • Vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’une sphinge (inv. 2009.00.106) ;
  • Vase aux anses formées d’une tête de bouc surmontée d’un satyre (inv. 2009.00.105) ;
  • Vase aux anses formées d’une hure de sanglier surmontée d’un buste bicéphale (inv. 2009.00.104) ;
  • Vase aux anses formées d’un protomé de lion (inv. 2009.00.103) ;
  • Vase aux anses formées d’une tête de faune surmontée d’une chimère (inv. 2009.00.102).

Sur la tablette occidentale, du nord au sud :

  • Vase aux anses formées d’une tête de faune surmontée d’une chimère (inv. 2009.00.101) ;
  • Vase aux anses formées d’un protomé de lion (inv. 2009.00.100) ;
  • Vase aux anses formées d’une tête de bouc surmontée d’un satyre (inv. 2009.00.099) ;
  • Vase aux anses formées d’une hure de sanglier surmontée d’un buste bicéphale (inv. 2009.00.098) ;
  • Vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’une sphinge (inv. 2009.00.097) ;
  • Vase aux anses supportées par deux visages grimaçants (inv. 2009.00.096) ;
  • Vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour (inv. 2009.00.095) ;
  • Vase aux anses formées d’une tête de faune (inv. 2009.00.094) ;
  • Vase aux anses formées d’une sirène (inv. 2009.00.093).
1. Marché passé avec Duval, 13 décembre 1665.
2. Un paiement de juin 1668 est libellé à Pierre Ballin « pour les desseins qu’il a faits des vases de bronze de Versailles » (Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 216). Il n’est pas exclu que Claude ait associé son frère à la conception des vases de Versailles (Bimbenet-Privat, 2003, p. 224).
3. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 79-80.
4. Scudéry, 1669, p. 66.
5. Inventaire des sculptures des jardins de Versailles, 1686, p. 93.
6. Description des jardins de Versailles par Jourdain, janvier 1695, fol. 31v.
7. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1181 et 1315 ; t. II, col. 55.
8. Préaud, 1993, p. 193.
9. Préaud, 1993, p. 193.
10. Agence des Bâtiments du roi (fonds Robert de Cotte), seconde moitié du xviie siècle, dessin no 1906 (microfilm F 001627).
11. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 133.
12. Inventaire des sculptures, 1707, p. 989-990.
13. Inventaire des sculptures, 1707, p. 989-990.
14. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 420, 523 et 527.
15. Description des jardins de Versailles par Jourdain, janvier 1695, fol. 32v.
16. Inventaire des sculptures, 1707, p. 998-1003.
17. Piganiol de La Force, 1701, p. 231, et 1707, p. 245.
18. Marché entre Picard et Prévost, 7 juin 1665.
19. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 79-80.
20. Préaud, 1993, p. 193-194.
21. Agence des Bâtiments du roi (fonds Robert de Cotte), seconde moitié du xviie siècle, dessin no 1907 (microfilm F 001628).
22. Inventaire des sculptures, 1722, p. 58.
23. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 608, paiement du 24 juin 1685 au charpentier François Potage pour « avoir démonté et transporté au magasin les termes et grilles qui fermoient le parterre d’Amour au petit parc ».
24. Inventaire des sculptures des jardins de Marly, 15 juillet 1695.
25. Inventaire des sculptures, 1722, p. 56-58.
26. Piganiol de La Force, 1724, t. II, p. 84.
27. Description par Denis, vers 1675, fol. 47.
28. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1161-1162.
29. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1289, paiement du 14 juillet 1680.
30. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1182, paiements de mai-novembre 1679.
31. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 59, paiement du 9 avril 1681.
32. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 89, paiement du 1er juillet 1681.
33. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 55, paiement du 9 février 1681.
34. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 314, paiement du 2 juillet 1683.
35. Inventaire des sculptures, 1722, p. 58.
36. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1181 et 1315 ; t. II, col. 55.
37. Préaud, 1993, p. 194. Daté de 1665, le dessin de ce vase, avec variantes, est conservé à la Bibliothèque nationale (Agence des Bâtiments du roi [fonds Robert de Cotte], seconde moitié du xviie siècle, dessin no 1908, microfilm F 001629).
38. Inventaire des sculptures, 1707, p. 1004-1005. Il n’est pas impossible que ces vases aient été installés dès 1689 puisqu’un paiement du 3 avril 1689 concerne « huit pieds d’estaux » faits par le marbrier François Deschamps « pour l’orangerie de Versailles » (Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. III, col. 292).
39. France-xviie ou xviiie siècle, vers 1700, fol. 7, 8 et 9.
40. Swidde, vers 1685, fol. 83 « Vazes de bronze dans l’Orangerie de Versailles ».
41. Acte d’engagement de Calla, 2 juillet 1851 ; Mémoire de fonte de bronze par Calla, 12 février 1852 ; Id., 10 juin 1852.
42. Sur Calla, voir Jean-François Belhoste, « Les débuts de la fonte d’ornement à Paris. Le rôle des Calla père et fils (1820-1860) », Métal à ciel ouvert. La sculpture métallique d’extérieur du xixe siècle au début du xxe siècle, Paris, 2014, p. 24-31.
43. Soulié, 1854-1855, t. II, 1855, p. 765-766.
44. Lettre du comte de Nieuwerkerke à Baroche du 21 août 1850. Sur la statue équestre de Louis XIV, voir en dernier lieu Alexandre Maral, « La statue équestre de Louis XIV à Versailles », La Revue des Musées de France. Revue du Louvre, octobre 2010, p. 71-80, à la p. 74.
45. En 1859, quatre vases de bronze (le vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’une sphinge, le vase aux anses supportées par deux visages grimaçants, le vase aux anses formées d’un protomé de lion surmonté d’un Amour et le vase aux anses formées d’une tête de faune) furent envoyés à la Manufacture de Sèvres pour être copiés en terre cuite vernissée (Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales, F21 1677, lettre de Charles-Auguste Questel à Achille Fould, ministre de la Maison de l’empereur, 14 novembre 1859). Ces répliques étaient destinées aux jardins du Grand Trianon, où elles trouvèrent place jusqu’en 1890 (Gabriela Lamy, « Vases bleus de Sèvres à Trianon (1861-1890) », Sèvres, no 28, 2019, p. 48-59).