Jardin du Roi, jardin des Sources et parterre du Laocoon
Le jardin du Roi
Situé à l’arrière de l’aile nord du Grand Trianon – et occupant l’espace que forme cette dernière aile avec l’aile droite, au nord, de la cour d’entrée du Grand Trianon (primitivement occupée par un théâtre) –, le jardin du Roi fut aménagé dès 1688 11. Lamy, 2015..
En décembre 1687, le marbrier Antoine Cuvillier fut rétribué « sur l’arche qu’il fait en marbre pour une niche du petit jardin du Roy à Trianon » et, l’année suivante, pour des « ouvrages de marbre qu’il fait pour la niche du petit jardin du Roy à Trianon » 22. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 1185 (paiement du 14 décembre 1687), et t. III, col. 105 (paiements de février-mai 1688).. Il est probable que cette niche ornée fût destinée à accueillir une sculpture prestigieuse.
En 1707, au plus tard, le bassin du jardin du Roi fut orné du groupe en bronze de Deux Amours de Jean-Baptiste Tuby (inv. 1850.10044). Dû probablement au fondeur Ambroise Duval, ce groupe provenait du bosquet versaillais de la Salle des antiques et, antérieurement, de la terrasse du château de Versailles donnant sur le parterre d’Eau. Il n’est pas impossible que le groupe de Tuby ait été placé dans un premier temps au centre du bassin du parterre bas des jardins de Trianon. Il est explicitement attesté au centre du bassin circulaire du jardin du Roi par le guide de Jean-Aymar Piganiol de La Force en 1707 33. Piganiol de La Force, 1707, p. 368.. Tandis que cette dernière source le décrit, de manière fautive, comme « un enfant de métal », l’inventaire de 1706-1708, qui le croit, à tort également, en plomb, y voit bien un groupe 44. Inventaire des sculptures, [1706-1708], p. 245. : « Deux enfans couchez sur des fleurs de tournesol et en tenant dans leurs mains, de trois pieds et demi ou environ. » Le groupe de Deux Amours du jardin du Roi a été examiné de près lors du dernier récolement : il s’agit bien d’un bronze. Selon l’« Extrait du mémoire général des augmentations faites dans les maisons royalles pendant le courant de la présente année 1706 », ce groupe a été doré autour de cette date-là 55. Grand état de la dépense ordinaire des Bâtiments du Roi, 1706, fol. 134..
Dans le jardin du Roi, le plan de 1711 du recueil de Pierre Lepautre situe quatre petits vases de marbre de couleur aux angles du parterre 66. Lepautre, 1711, fol. 50v-51.. L’inventaire de 1722 précise 77. Inventaire des sculptures, 1722, p. 127. : « Une urne de marbre antique de 2 pieds 6 pouces de haut et d’un pied 3 pouces de diamettre ; sur le couvercle sont des feuilles de refend ; la moulure au-dessus est ornée de godrons et dards ; dans la gorge au-dessous sont des canaux, sur le corps des branches de lierre qui circulent, et sur la panse des canaux. Elle a pour anse des serpens entrelassez qui rampent sur le corps. La plinte a 6 pieds ½ en quarré, sur un piédestal de marbre blanc d’un pied 9 pouces de haut. Une urne idem sur un pareil piédestal. Un petit vase de marbre antique d’un pied 9 pouces de haut et un pied 2 pouces de diamettre, le corps duquel est orné de cannelures ; il est cassé environ par le milieu ; le pied, qui est circulaire, a 11 pouces de diamettre ; sur un piédestal pareil aux précédents. Un petit vase idem. »
D’origine inconnue, ces quatre vases sont déjà mentionnés par l’inventaire de 1707 88. Inventaire des sculptures, 1707, p. 795-796.. C’est également à une date inconnue qu’ils furent retirés du jardin du Roi. L’un d’entre eux (inv. 2012.00.1292), à motif de serpents, fragmentaire, a été récemment identifié dans les réserves de sculpture de Versailles par Pierre-Hippolyte Pénet 99. Pénet, 2013, annexes, p. 461-462.. Le second vase de ce modèle (Ma 5607) est entré au musée du Louvre à une date inconnue, peut-être dès la fin du xviiie siècle.
Peint vers 1724, un tableau de Pierre-Denis Martin (fig. 1) représente à l’un des angles du parterre du jardin du Roi un vase qui semble être de métal doré. Il est difficilement identifiable aux vases de marbre de couleur décrits à la même époque par les inventaires.
Le jardin des Sources
Mitoyen du jardin du Roi, au nord, le jardin des Sources s’étendait dans l’angle formé par les ailes de la galerie du Grand Trianon et de Trianon-sous-Bois. Jusqu’à sa transformation en 1808, il était séparé du jardin du Roi par un mur.
En avril 1701, « Sa Majesté a ordonné d’apporter la Diane de bronze qui avoit été posée dans la niche de Trianon-sous-Bois pour être placée dans ledit jardin haut [à Marly] au centre de la terrasse qui regarde la plaine du Trou-d’Enfer » 1010. Registre des ordres de Louis XIV à Hardouin-Mansart, 1699-1702-1, fol. 126, 2 avril 1701. La niche fut ensuite comblée en pierre de Saint-Leu (Grand état de la dépense ordinaire des Bâtiments du Roi, 1701, fol. 133).. La Diane de Versailles (MR 3249) est une fonte de Jean-Balthasar Keller d’après l’antique. Livré en 1685, ce bronze avait été placé dans un premier temps sur le parterre de l’Orangerie de Versailles, où il est attesté par l’inventaire de 1694 1111. Inventaire des sculptures des jardins de Versailles, 1er janvier 1694, n°219.. En dehors de la mention d’avril 1701, seul un dessin du fonds Robert de Cotte, qui porte l’inscription « Trianon », garde le témoignage du passage par Trianon de la Diane de Versailles en bronze 1212. Agence des Bâtiments du roi (fonds Robert de Cotte), vers 1700, dessin n° 1966, microfilm F 001693..
Dans son édition de 1707, le guide de Piganiol de La Force y mentionne deux sculptures 1313. Piganiol de La Force, 1707, p. 376 et 378. : un Amour qui se mire dans l’eau (Vjs 847) et un Amour qui admire un jet d’eau (Vjs 848), chacune placée au centre d’un bassin de forme irrégulière. Il s’agit de deux figures enfantines de François Girardon provenant du bosquet versaillais de la Salle du Conseil, démantelé en 1706.
Ces deux Amours sont encore mentionnés par l’État des principeaux [sic] objets faisant décoration dans le jardin de Trianon, auquel [sic] il est essentiel d’aporter le plus grand soin et la plus grande précaution pour qu’il ne leurs [sic] arrivent [sic] pas d’accident pendant la couppe des bois, daté de janvier 1775, qui les situe au jardin des Sources, au centre de deux bassins : « deux grouppes d’enfans en plomb dont un faisant cascade, et l’autre faisant gai, la tablette de ces deux bassins est en marbre de Languedoc, le tout en bon état » 1414. État des sculptures des jardins de Trianon, janvier 1775. Les bassins ne figurant plus sur le plan gravé publié par Contant de La Motte en 1783, ces deux sculptures de Girardon ont dû disparaître avant cette date. Elles ne sont plus localisées aujourd’hui.
Au jardin des Sources, le plan gravé des jardins de Trianon en 1730 (fig. 2) situe également le « bassin de Cupidon » 1515. Mariette, 1730, n° 5. : ce « Cupidon » peut être identifié à l’Amour assis sur un dauphin de Gaspard Marsy (inv. 1850.10045). Cette sculpture de bronze, probablement fondue par Ambroise Duval, et son support de plomb provenaient d’une des Salles vertes des jardins du Grand Trianon – la Grande Salle Ronde ou Salle des Quatre-Figures, puis Salle de Flore – et, antérieurement, d’un cabinet de charmille au sud du bassin du Plat-Fond. Antérieurement encore, ils avaient orné le bosquet versaillais du Théâtre d’eau.
Extrait du recueil de Jacques Dubois daté de 1732, un plan aquarellé montre assez précisément la margelle en marbre de Languedoc et les trois vasques superposées du socle 1616. Dubois, 1732, fol. 37, « Plan du château, cour et parterres haut du jardin de Trianon avec la cour des Cuisines, jardin du Roy, des Sources, le bassin de Cupidon, celuy du Jeu-tournant et celuy de Laocoon »..
Quoique non mentionnée par l’« État des principaux objets » de 1775, la fontaine de l’Amour assis sur un dauphin est indiquée, avec son support de vasques, sur le plan de Contant de La Motte publié en 1783 1717. Contant de La Motte, 1783, Trianon, n° 27.. Ayant survécu à la destruction du jardin des Sources au début du xixe siècle, elle occupe encore aujourd’hui l’emplacement attesté à partir de 1730.
Après la replantation des jardins de Trianon en 1775-1776, l’Atalante Mazarin (MR 1896) est attestée au jardin des Sources par le Coup d’œil de Louis-Jacques Durameau 1818. Description par Durameau, 1787, p. 165.. Sous la Restauration, l’Atalante Mazarin est encore située, sur son piédestal sculpté par Alexandre Rousseau (MR 2736), dans le jardin de l’Empereur, c’est-à-dire le jardin né de la réunion des anciens jardin du Roi et jardin des Sources 1919. Inventaire des sculptures des jardins de Versailles, [1819]. Avec son piédestal, elle est signalée en 1852 à l’intérieur du péristyle du Grand Trianon 2020. Soulié, 1852, p. 5.. Elle quitta le péristyle en 1863 2121. Samoyault, 2007, p. 318.. Encore à Trianon en 1870, elle fut alors désignée pour être transférée au musée du Louvre 2222. Soulié, 1899, p. 151. : elle y est encore conservée aujourd’hui. Après 1894 et jusqu’en 1975, le piédestal de l’Atalante (MR 2736/MV 7730 bis) a orné l’escalier du Petit Trianon. Il est encore aujourd’hui en réserve à Versailles.
Le parterre du Laocoon
Aménagé à partir de 1687-1688, le parterre du Laocoon est situé dans le prolongement septentrional de l’aile de Trianon-sous-Bois.
À une date inconnue, antérieure à 1694, il accueillit le groupe de bronze du Laocoon (Vjs 824) exécuté d’après l’antique par Jean-Balthasar Keller. L’œuvre provenait du parterre de l’Orangerie de Versailles, où elle est mentionnée par Nicodème Tessin en septembre 1687. Depuis 1796, elle orne le Palais-Bourbon à Paris.
En 1699, pendant le séjour de la cour à Fontainebleau, il fut demandé de « prendre l’ordre du roy pour poser le groupe de marbre du Laocoon de Baptiste Tuby qui est fait aux Gobelins à la place de celui de bronze dans le petit jardin au bout de Trianon-sous-Bois, et sçavoir où Sa Majesté désire que l’on mette celuy de bronze » 2323. Mémoire des ouvrages à faire entre septembre et décembre 1699, fol. 166v..
En mars 1701, le roi donna l’ordre de transférer à Marly « le Laocoon qui étoit dans ledit jardin de Trianon » 2424. Registre des ordres de Louis XIV à Hardouin-Mansart, 1699-1702-1, fol. 125v, 16 mars 1701. L’emploi de l’imparfait laisse penser qu’il avait déjà été retiré de son socle, probablement depuis 1699.
Un autre dessin du même fonds porte aussi la mention de « Trianon » 2525. Agence des Bâtiments du roi (fonds Robert de Cotte), vers 1700, dessin n° 1978, microfilm F 001720. : il représente le groupe en marbre de Castor et Pollux (MR 1816), copié d’après l’antique par Antoine Coysevox. Il n’est pas impossible que l’œuvre ait été un moment pressentie pour occuper la niche du parterre des Marronniers.
En définitive, cette niche accueillit le groupe en marbre du Laocoon (MR 2102), dû au sculpteur Jean-Baptiste Tuby, avec la collaboration de Jean Rousselet et de Philibert Vigier. Le transport de l’œuvre, des Gobelins à Trianon, est attesté par les paiements des 27 mars et 2 août 1701 au charpentier François Dumagny 2626. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 737..
En 1850, le Laocoon de marbre (MR 2102) fut transféré à l’emplacement, devenu vacant, du groupe de Persée et Andromède (MR 2076) de Pierre Puget à l’entrée de l’allée Royale dans les jardins de Versailles 2727. Lettre de Laborde au comte de Nieuwerkerke du 13 juin 1850. Il fut remplacé à Trianon la même année, d’abord par La Pologne enchaînée d’Antoine Étex (LP 2159/MV 7521) 2828. Lettre du comte de Nieuwerkerke à Debay du 16 juillet 1850, puis par le Centaure Albani (MR Sup. 128/inv. 1850.9904/MND 42/Ma 3091).
Après la mise à l’abri, en 1893, du Centaure Albani – qui fut envoyé par la suite au musée du Louvre –, le socle du Laocoon accueillit en 1924 le Centaure Furietti (MR 2069), copié d’après l’antique par Pietro Della Valle 2929. Correspondance des conservateurs du musée de Versailles, 1889-1893, 20 mai 1893, et Registre de mouvements d’œuvres au musée de Versailles, 1878-1922, sorties, 23 mai 1893.. Retiré en 2021, ce dernier a été remplacé en 2022 par une réplique du Laocoon (2021.00.032).
Dans sa première édition, en 1701, le guide de Piganiol de La Force mentionne la Minerve Mazarin (MR 341) en porphyre « du même côté » que le parterre du Laocoon, c’est-à-dire « à main droite », au nord de l’entrée de Trianon, « et un peu au-dessous » de ce parterre, c’est-à-dire à l’est 3030. Piganiol de La Force, 1701, p. 361.. Un « État des ouvrages faits par augmentation au château de Versailles et ses dépendances […] pour l’année 1701 » précise qu’elle était alors disposée « dans le renfoncement du jardin neuf » 3131. Grand état de la dépense ordinaire des Bâtiments du Roi, 1701, fol. 135.. Provenant de la collection Mazarin, cette œuvre avait été transférée de Paris à Versailles en 1683 3232. Mémoire des figures sorties du magasin des Antiques sur ordre de Louvois, 1683-1687, 6 novembre 1683.. Il est impossible de savoir où se trouvait ce renfoncement. Avant 1707, la Minerve Mazarin (MR 341) fut déplacée dans les Salles vertes.
Au tout début du xviiie siècle, le parterre du Laocoon accueillit aussi quatre vases de marbre (MR 2997, MR 2998, MR 2999 et MR 3000), identiques, sculptés par Pierre Mazeline à partir de 1699. Un « État des ouvrages faits par augmentation au château de Versailles et ses dépendances […] pour l’année 1701 » précise qu’ils sont alors en place, non encore payés 3333. Grand état de la dépense ordinaire des Bâtiments du Roi, 1701, fol. 132v.. Leur parfait paiement, en décembre 1703, précise qu’ils ont été exécutés et posés « près le Laocoon à Trianon » 3434. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 963, paiement du 30 décembre 1703.. Ils ont été transférés en 1802 à Saint-Cloud par Pierre-Jacques Tinet, conservateur du Musée spécial 3535. Inventaire des sculptures livrées pour le château de Saint-Cloud, 4 et 12 août 1802. En 1872, ils ont été placés autour du bassin circulaire du jardin des Tuileries à Paris 3636. Registre de mouvements d’œuvres, 1870-1910, p. 7, 96, 212 et 214-215.. Deux d’entre eux (MR 2999 et MR 3000), entiers ou fragmentaires, ont été rentrés au musée du Louvre après 1986. Leur localisation actuelle est inconnue.
Probablement en 1706, le parterre du Laocoon accueillit, au centre de son bassin, le groupe en plomb de Satyre et panthère dû aux frères Gaspard et Balthasar Marsy (inv. 2012.00.237). Primitivement exécuté pour le bassin de Bacchus (Vjs 377), ce groupe avait été transféré au bosquet de la Salle du Conseil, lequel fut transformé en bosquet de l’Obélisque en 1706.
Contre la façade septentrionale de Trianon-sous-Bois, le catalogue d’Eudore Soulié signale en 1852 un buste en marbre de Faune (MR 2408/MV 8621). Il s’agit d’un buste provenant du bosquet versaillais de la Salle des marronniers, où il est attesté en 1816 par Michel-Antoine Garreau 3737. Garreau, 1816, p. 270..
Le buste de Faune (MR 2408) fut posé sur une gaine en marbre (MV 8613 bis) sculptée par François Girardon à la fin du xviie siècle pour supporter le buste d’Alexandre Richelieu (MR 2204/MV 8613), qui faisait partie de la collection du sculpteur 3838. Cat. exp. Porphyre, 2003, p. 142-143 (notice de Claude Vandalle).. La gaine et le buste avaient été acquis par le roi en 1738 et placés au salon du Conseil au château de Versailles. La gaine était demeurée à Versailles après le départ du buste pour le Louvre en 1797.
Le buste de Faune (MR 2408) fut retiré de Trianon en 1975. Il est aujourd’hui présenté au bas de l’escalier de la Reine à Versailles.
La gaine de Girardon a retrouvé en 1975 son ancien emplacement au salon du Conseil. Elle sert de nouveau de support au buste d’Alexandre Richelieu revenu du Louvre en 1953.