Parterre haut et parterre bas, Fer-à-cheval et bassin Carré
Le parterre haut
Situé devant la façade occidentale du palais, le parterre haut est orné, au centre de ses deux bassins, de deux groupes en plomb de Deux Amours (inv. 1850.9850 et inv. 1850.9851), formés à partir de quatre figures. Ces dernières, dues à François Girardon, proviennent du bosquet versaillais de la Salle du Conseil, démantelé en 1706, et peut-être, antérieurement, du bassin de l’Hiver (Vjs 175). De fait, les groupes sont mentionnés pour la première fois à Trianon par l’édition de 1707 du guide de Jean-Aymar Piganiol de La Force 11. Piganiol de La Force, 1707, p. 376 et 378..
Dans le « jardin sur la terrasse », l’inventaire datable de 1819 signale deux vases à décor de têtes de bélier, pampres de vigne et raisins 22. Inventaire des sculptures des jardins de Versailles, [1819]. Il s’agit des deux vases de Claude Bertin (MR 2973 et MR 2974) provenant de la Salle Triangulaire. Dus au marbrier Pierre-Claude Boichard, leurs socles furent disposés en 1811 de part et d’autre de la rampe menant du parterre haut au parterre bas, contre la tablette de séparation des deux parterres 33. Mémoire de marbrerie par Boichard, 22 décembre 1812. Ce dispositif est attesté notamment par le plan de Charles Picquet publié en 1821 et des photographies d’Eugène Atget (fig. 1 et fig. 2). Ces deux vases ont été déposés à une date inconnue, postérieure à 1925 44. Mémoire de nettoyage par Thomas & Harrison, 27 mars 1925. Ils ont été récemment identifiés en réserve.
Le parterre bas
Comme son nom l’indique, le parterre bas est situé en contrebas du parterre haut, dans l’axe est-ouest des jardins de Trianon.
De forme octogonale, le bassin central reçut la statue en plomb du Satyre jouant avec des raisins (inv. 1850.9852). Due aux frères Balthasar et Gaspard Marsy, cette statue provenait du bosquet versaillais de la Salle du Conseil, démantelé en 1706, et antérieurement du bassin de Bacchus (Vjs 377). La statue est attestée à Trianon par l’édition de 1707 du guide de Piganiol de La Force 55. Piganiol de La Force, 1707, p. 376-377..
En 1941, la statue du Satyre jouant avec des raisins fut entièrement refaite par le fondeur Eugène Rudier 66. Mémoire de restaurations par Rudier, 23 août 1941. La statue actuelle (inv. 2016.00.091) correspond à un surmoulage de l’ancienne statue (inv. 1850.9852), qui n’est plus localisée aujourd’hui.
Une gravure anonyme, d’une grande fidélité, ayant pour sujet le Grand Trianon et une partie de ses jardins vus à vol d’oiseau (fig. 3), représente un groupe de deux figures au centre du bassin du parterre bas. Cette sculpture ne peut correspondre au Satyre jouant avec des raisins des frères Marsy (inv. 1850.9852), mais présente quelque ressemblance avec le groupe de Tuby (inv. 1850.10044). Il n’est pas impossible qu’entre 1704 et 1707, le groupe en bronze de Deux Amours de Jean-Baptiste Tuby (inv. 1850.10044), provenant du bosquet versaillais de la Salle des antiques démantelé en 1704, ait été placé au centre du bassin du parterre bas.
Aucune sculpture n’étant représentée au centre des bassins du parterre haut, la gravure (fig. 3) est datable d’avant 1707 ou de 1707 au plus tard. Ainsi, le groupe de Tuby aurait été transféré au jardin du Roi au moment de l’installation des sculptures en plomb du bosquet de la Salle du Conseil dans les jardins de Trianon, en 1706-1707.
L’édition de 1707 du guide de Piganiol de La Force signale, sur le parterre bas, quatre vases de marbre 77. Piganiol de La Force, 1707, p. 377.. Ces quatre vases sont également mentionnés par l’inventaire de 1707, qui les date de 1703 88. Inventaire des sculptures, 1707, p. 764-765.. De fait, le financement de leurs piédestaux est prévu en 1703 99. Grand état de la dépense ordinaire des Bâtiments du Roi, 1703, fol. 82v.. Il s’agit de quatre vases identiques, réalisés par les sculpteurs Anselme Flamen, Jean François, Noël Jouvenet et Pierre Mazeline (MR 2803, MR 2804, MR 3013 et MR 3017). Ils sont visibles, aux angles du parterre bas, sur le plan du recueil de Pierre Lepautre de 1711 (fig. 4) 1010. Lepautre, 1711, fol. 50v-51, lettre C « 4 vases de marbre blanc »..
On les voit également sur le tableau de Pierre-Denis Martin commandé en 1724, Vue perspective du château et des jardins de Trianon (fig. 5). Les quatre vases sont encore mentionnés en place par le guide de Jean Vaysse de Villiers en 1827 et par un document rédigé par le sculpteur Jean-Baptiste Beaumont et daté de 1833 1111. Vaysse de Villiers, 1827, p. 250 ; Recension des sculptures des jardins de Versailles et de Trianon par Beaumont, 18 juin 1833. Ils quittèrent Trianon pour Saint-Cloud avant 1845 1212. Inventaire des sculptures des jardins du château de Saint-Cloud, 1845. Voir aussi Notice du palais de Saint-Cloud, 1845, p. 47-48 (Les Vingt-Quatre Jets).. Ils furent transférés en 1872 autour du bassin circulaire du jardin des Tuileries, où ils sont encore aujourd’hui 1313. Bresc-Bautier, Pingeot, 1986, t. II, p. 189-190..
Le plan du recueil de Lepautre de 1711 (fig. 4) signale deux « tables de marbre », aux angles nord-ouest et sud-ouest du parterre bas, à la lisière de parties boisées 1414. Lepautre, 1711, fol. 50v-51, lettre D « Tables de marbre ».. Ces tables (inv. 2018.00.001 et inv. 2018.00.002 ; fig. 6 et fig. 7) peuvent être mises en rapport avec les paiements de 1705-1706 aux sculpteurs Louis Armand et Nicolas Monthéan pour la « sculpture des pieds de table de marbre pour les jardins de Trianon » 1515. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1158 (paiement du 27 septembre 1705), et t. V, col. 15 (paiements de 1706).. Quant aux plateaux, ils provenaient du bosquet du Marais et furent retaillés en 17051616. Grand état de la dépense ordinaire des Bâtiments du roi, 1704, fol. 292, no 62.. Daté de janvier 1775 et précédant la replantation, l’État des principaux objets faisant décoration dans le jardin de Trianon les mentionne encore, sur le même parterre : « deux tables en marbre blanc de chacune 10 pieds de long sur 3 pieds de large, en un morceau, soutenus de leurs consolles évuidée, bien sculpté, dont une en très bon état et l’autre restaurée » 1717. État des sculptures des jardins de Trianon, janvier 1775. Il était alors prévu de porter ces tables en magasin.
L’État descriptif datable de 1819 signale encore, sur le parterre bas, une table de marbre portée par trois pieds en forme de lyre et garnie d’ornements 1818. Inventaire des sculptures des jardins de Versailles, [1819]. L’autre table est située par le guide de Vaysse de Villiers, publié en 1827, dans la Salle de la Table, une des dernières Salles vertes des jardins de Trianon 1919. Vaysse de Villiers, 1827, p. 251.. Les deux tables sont visibles sur le plan de Picquet publié en 1821. Les deux tables ont orné le jardin du pavillon de la Lanterne jusqu’en 2017, année de leur mise à l’abri dans les réserves du musée.
Le Fer-à-cheval
L’inventaire des sculptures de 1706-1708 décrit pour la première fois les quatre vases de plomb (MR 3475, MR 3476, Vjs 1004 et Vjs 1005) placés sur les piliers des grilles des deux rampes de l’escalier du Fer-à-cheval 2020. Inventaire des sculptures, [1706-1708], p. 246. : « Deux vases en cuvettes de 4 pieds 5 pouces de haut, la moulure d’en haut ornée de glaçons, la gorge d’un bas-relief de triomphes maritimes, sur chaque face un masque, coëffé de roseaux avec des festons qui vont joindre les anses, le dessous de roseaux et de feuilles d’eau, son piédouche entouré de cannelures, et pour anses deux consolles avec un triton à chacune » ; « deux vases en ovalles de 4 pieds 5 pouces de haut, la moulure d’en haut ornée de coquilles, fleurons et feuilles d’eau, la gorge entourée de dauphins nageans avec deux testes de Soleil, sur les deux faces deux masques faits avec coquilles et écrevices, au-dessous deux bas-reliefs d’enfans maritimes, son piédouche en coquille, et pour anses deux consolles entourées de serpens posées chacune sur une teste de monstres marins. »
L’inventaire n’indique pas si les vases de même modèle étaient regroupés ou non.
La description précise de ces quatre vases de deux modèles différents, mais d’iconographie similaire, en rapport avec le monde marin, permet de valider l’hypothèse de Vincent Maroteaux qui les considère comme issus d’une même commande pour le bassin de Neptune 2121. Maroteaux, 2009, p. 137.. En effet, des quarante-quatre vases exécutés pour orner les margelles du bassin, seulement vingt-deux y trouvèrent place. Parmi les vingt-deux autres, seize furent installés à Marly et, probablement, quatre à Trianon 2222. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 450, paiement du 23 janvier 1684 « à ceux qui ont transporté les vases et les cuvettes de plomb de la pièce de Neptune à Trianon et à la Ménagerie »..
En outre, le modèle aux anses ornées de tritons est représenté sur un dessin conservé à Stockholm2323. Agence des Bâtiments du roi, fin du xviie-début du xviiie siècle-1, THC 7180.. Il s’agit de la représentation la plus précise des vases du Fer-à-cheval, dont l’apparence évoque celle des quatre vases qui encadrent les angles de la partie centrale du bassin de Neptune. Les quatre vases de Trianon sont visibles sur la Vue perspective du château et des jardins de Trianon, tableau commandé à Pierre-Denis Martin en 1724 (fig. 5). Assez fidèlement représentés, ils figurent également sur un dessin de Louis-Nicolas de Lespinasse (fig. 8) ayant pour sujet le Fer-à-cheval vers 1780.
Au moment de la rédaction de l’inventaire des Musées royaux, achevé en 1824, deux de ces vases avaient disparu : deux vases seulement sont alors recensés (MR 3475 et MR 3476). Ces derniers sont encore mentionnés par le catalogue d’Eudore Soulié en 1852 2424. Soulié, 1852, p. 35. : « Deux vases en plomb ornés de bas-reliefs ».
Conservée en collection particulière, une photographie de Louis-Rémy Robert datant de 1851-1852 montre les deux vases en plomb subsistants, en mauvais état. Ce témoignage unique et précieux confirme la ressemblance des vases avec ceux du bassin de Neptune et permet de savoir que les vases subsistants étaient ceux de la rampe orientale de l’escalier du Fer-à-cheval. Les vases furent retirés en 1860 2525. Mémoire de maçonnerie par Monduit, 11 janvier 1861.
Les moulages des deux modèles furent envoyés en 1864 au marbrier et sculpteur Léon Géruzet, qui les traduisit en marbre des Pyrénées (inv. 2015.00.224, inv. 2015.00.225, inv. 2015.00.226 et inv. 2015.00.227). Installés en 1866 et 1867, les vases de marbre de Géruzet restèrent en place jusqu’en 1979, date de leur mise en dépôt au parc de Saint-Cloud, où ils se trouvent encore aujourd’hui.
Plusieurs photographies d’Eugène Atget (fig. 9 et fig. 10) montrent les vases de Géruzet au Fer-à-cheval de Trianon.
Le bassin Carré
Dit aussi Carré d’Eau, le bassin Carré est situé au nord du parterre bas, entre ce dernier et le jardin des Marronniers.
Probablement dans le cadre de la replantation des jardins de Trianon en 1775, le bassin Carré fut déplacé : tandis que les plans antérieurs des jardins de Trianon, ainsi que la Vue perspective du château et des jardins de Trianon, tableau commandé à Pierre-Denis Martin en 1724 (fig. 5), le montrent dans le prolongement occidental du salon des Jardins, le Nouveau Plan de Versailles, publié par Contant de La Motte en 1783, le situe dans l’axe de la perspective transversale du parterre bas, son actuel emplacement.
Dans son édition de 1707, le guide de Piganiol de La Force mentionne le groupe de Satyre et panthère au centre du bassin Carré 2626. Piganiol de La Force, 1707, p. 377.. Dû aux frères Marsy, ce groupe (inv. 1850.10043) provenait du bosquet versaillais de la Salle du Conseil, démantelé en 1706, et antérieurement du bassin de Bacchus (Vjs 377).
En 1896, l’architecte Marcel Lambert fit refaire entièrement le groupe de Satyre et panthère du bassin Carré 2727. Mémoire de sculpture par Fagel, 27 janvier 1897 ; Mémoire de plomberie par Berson, 20 mars 1897. Le groupe actuel (inv. 2015.00.199) correspond à un surmoulage de l’ancien groupe (inv. 1850.10043), qui n’est plus localisé aujourd’hui.