Bosquets de la Girandole et du Dauphin
De part et d’autre de l’allée Royale, tracés dès le début des années 1660, les bosquets de la Girandole, au sud, et du Dauphin, au nord, comptent parmi les plus anciens des jardins du château.
Ces deux bosquets sont décrits pour la première fois par le guide d’André Félibien, publié en 167411. Félibien, 1674, p. 78-79. : ils « sont composez par compartimens de plusieurs petites allées et cabinets. Au milieu de chaque bosquet, il y a un bassin de fontaine, d’où s’élève un piédestal qui porte un autre bassin dont les bords sont de pierres congelées de différentes couleurs. L’eau qui sort du milieu de ce bassin, par la bouche d’un gros masque de bronze doré, retombe par napes déchirées le long de ces différentes pierres dans le bassin d’en bas ».
En février et mars 1672, le peintre Claude Goy fut rétribué pour « dorure des glaçons de plomb qui se font dans les deux bosquets à droite et à gauche de la grande allée22. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 613. ».
En avril 1672, le sculpteur Gilles Guérin fut également rétribué « pour deux masques qu’il a fait [sic] pour les deux fontaines des bosquets » (Vjs 835 et Vjs 836)33. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 624.. En raison de la date, du nombre de mascarons et de l’appellation vague des bosquets, il s’agit probablement des bosquets de la Girandole et du Dauphin.
En mai 1686, les fondeurs Pierre « Langlois et consors », c’est-à-dire Henri et Nicolas Meusnier et Pierre Varin, furent rétribués pour les « masques de bronze qu’ils ont fourni [sic] pour les piédestaux des fontaines de marbre des bosquets44. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 891. ». Là encore, il pourrait s’agir des fontaines des bosquets de la Girandole et du Dauphin, dont les mascarons de plomb (Vjs 835 et Vjs 836) furent sans doute remplacés par des versions en bronze (Vjs 887 et Vjs 888).
En 1701, le guide de Jean-Aymar Piganiol de La Force précise que « le bosquet du Dauphin a pris ce nom d’un dauphin qui étoit autrefois au milieu du bassin qu’il renferme55. Piganiol de La Force, 1701, p. 214. ». Ce Dauphin (Vjs 894) est attesté par Mme Jourdain en 169566. Description des jardins de Versailles par Jourdain, janvier 1695, fol. 35..
Dans le bosquet du Dauphin reconstitué à partir de 2000, une statue de Dauphin (inv. 2012.00.669) a été placée en 2004 au centre du bassin circulaire : cette création en plomb, due à la fonderie de Coubertin, s’inspire du dauphin du groupe du Singe monté sur un dauphin (MV 7601) réputé à tort provenir du bosquet du Labyrinthe.
Les statues des bosquets de la Girandole et du Dauphin
Le guide de Combes ne fait aucune mention des deux bosquets : il est probable qu’ils ne comportaient aucune sculpture à cette date-là. Pour autant, le plan général des jardins (fig. 1), datable de 1680-1681, conservé aux Archives nationales, indique quatre socles, aux quatre points cardinaux, dans chacun des bosquets : il est impossible de savoir à quelles sculptures ils correspondaient.
Avant 1686, les deux fontaines établies à l’entrée orientale des bosquets de la Girandole et du Dauphin accueillirent les deux statues de Faune provenant de la collection Mazarin. Le Faune romain Mazarin (MR 1918) fut ainsi placé à l’entrée du bosquet de la Girandole, le Faune grec Mazarin (MR 1917) à l’entrée du bosquet du Dauphin, tous deux de manière à surplomber un bassin de forme rectangulaire, selon un dispositif connu par une gravure de Pérelle (fig. 2). Les bassins furent détruits en 170477. Grand état de la dépense ordinaire des Bâtiments du roi, 1704, fol. 250, no 34 ; Recette et dépense du magasin (cuivres), 1700-1713, Recette, juillet 1704..
Le plan gravé de l’abbé Jean Delagrive en 1753 situe les deux statues de Faune au centre de chacun des bosquets. Les deux statues sont de nouveau localisées à l’entrée orientale des bosquets par le plan de Jean-André Hervet publié en 1768 (fig. 3).
L’inventaire de 1686 signale trois autres sculptures : au bosquet de la Girandole, une Vénus Médicis (Vjs 1190), haute de 4 pieds 9 pouces ; au bosquet du Dauphin, un Méléagre (Vjs 1176), haut de 6 pieds 5 pouces, remplacé avant 1694 par une statue d’Antinoüs (Vjs 896), et une Cérès (MR 1909). En outre, l’inventaire de 1694 indique, au bosquet de la Girandole, une statue d’Apollon (Vjs 1095). La Vénus Médicis, Apollon, Antinoüs et Cérès furent retirés des bosquets sur ordre du roi du 30 janvier 169988. Registre des ordres de Louis XIV à Hardouin-Mansart, 1699-1702, ordre du 30 janvier 1699.. Si la trace des statues d’Apollon (désigné comme un « Jeune homme » en 1699), de Méléagre et d’Antinoüs se perd dès leur retrait du bosquet du Dauphin, la Vénus Médicis est attestée à Marly de 1707 à 1793. L’historique de cette dernière est inconnu après son transfert à Paris, au plus tard en 1797. Envoyée en 1709 à Meudon, seule Cérès est aujourd’hui localisée : après un séjour d’un siècle au jardin des Tuileries, elle est conservée au musée du Louvre depuis 1991.
Trois des huit socles figurés sur le plan datable de 1680-1681 (fig. 1) ont tout à fait pu être occupés par les statues de Vénus Médicis (Vjs 1190), Méléagre (Vjs 1176) et Cérès (MR 1909).
Les plans de l’abbé Delagrive, publiés en 1746 et 1753, ainsi que celui de l’ingénieur Hervet (fig. 3), publié en 1768, indiquent la présence d’une sculpture d’Isis à l’entrée septentrionale du bosquet du Dauphin. Il ne peut s’agir que du terme de L’Abondance, dite aussi Cérès (MR 1991), Cérès ayant été confondue avec Isis dès l’Antiquité. Entre 1711 et 1746, le terme de L’Abondance, dite aussi Cérès (MR 1991) a donc été permuté avec celui de Podalire, dit aussi Bacchus (MR 1984).
Les termes des bosquets de la Girandole et du Dauphin
Les onze termes provenant de Vaux-le-Vicomte et cinq autres termes recensés par l’inventaire de 1686 furent installés dans les deux bosquets entre 1686, date de l’inventaire qui les mentionne sur le parterre de Latone, et 1692, date du plan des termes des jardins de Versailles (fig. 4).
Tableau des neuf termes du bosquet de la Girandole :
Tableau des sept termes du bosquet du Dauphin :
Datable vers 1690, le Recueil de plans des jardins de Versailles comporte le « Plan du bosquet ouvert de la Girandolle » (fig. 5) et le « Plan du bosquet ouvert à l’oposite [sic] de la Girandolle » (fig. 6). Le « Plan du bosquet ouvert de la Girandolle » (fig. 5) indique onze emplacements pour des sculptures, dont ceux des neuf termes du plan de 1692 (fig. 4). Les deux emplacements supplémentaires sont dans les angles sud-est et nord-ouest du bosquet.
Le « Plan du bosquet ouvert à l’oposite [sic] de la Girandolle » (fig. 6) indique huit emplacements pour des sculptures. Deux d’entre eux sont dans les angles sud-ouest et nord-est du bosquet. Les six autres correspondent à six des sept termes cités par le plan de 1692 (fig. 4). L’emplacement non représenté par le plan datable vers 1690 (fig. 6) correspond au terme de Cérès, dite aussi L’Abondance et Isis (MR 1991), que le plan de 1692 (fig. 4) situe dans la salle nord-est du bosquet. Dans la mesure où ce terme n’est pas reproduit dans le recueil de Simon Thomassin (publié en 1694, mais entrepris en 1689), il est probable qu’il n’ait été placé dans le bosquet qu’après 1689.
Les plans (fig. 7 et fig. 8) du recueil de Pierre Lepautre daté de 1711 confirment l’état de 1692, à deux exceptions près : dans le bosquet de la Girandole, les quatre termes (MR 1899, MR 1974, MR 1940 et MR 2000) de la salle sud-est ont été transférés dans la salle nord-est ; dans le bosquet du Dauphin, seul l’emplacement du terme est figuré à l’entrée méridionale.
Publié en 1714, le plan dessiné par Dominique Girard et gravé par Jean Raymond (fig. 9) n’est pas fiable. Ainsi, la légende des œuvres du bosquet de la Girandole est mal présentée : sous le no 23, qui correspond à l’entrée orientale, il faut vraisemblablement ajouter au Faune romain Mazarin (MR 1918) noté sous ce numéro les termes d’Hercule (Hercule au serpent, MR 2034) et de Flore (Hébé, dite aussi Flore, MR 1934) inscrits – faute de place – sur la ligne suivante et groupés par erreur sous le no 24, qui se réfère à l’entrée méridionale du bosquet, avec le terme de Minerve (MR 1967). Par ailleurs, le plan de Lepautre (fig. 7) nous permet de savoir que le mystérieux terme de Priape indiqué à l’entrée occidentale par le plan de Girard (fig. 9) est celui d’Aruncus, dit aussi Un moissonneur et Vertumne (MR 1976).
Pour le bosquet du Dauphin, le plan de 1714 (fig. 9) montre bien le terme de Cérès ou L’Été (MR 2098), mais ne permet de confirmer l’emplacement que des termes de Faune (MR 1919) et d’Adrastée, dite aussi La Libéralité ou L’Abondance (MR 1975) à l’entrée orientale, de Cérès, dite aussi L’Été (MR 2098) à l’entrée méridionale et de Pan, dit aussi Satyre (MR 1986) à l’entrée occidentale. C’est vraisemblablement par erreur que le même numéro (no 14) figure deux fois sur le plan, à l’emplacement des deux salles orientales du bosquet : deux termes sont attestés dans la salle nord-est depuis 1692, aucun dans la salle sud-est. C’est sans doute également par erreur que le plan de 1714 (fig. 9) indique des « thermes d’après le Poussin » à l’entrée septentrionale ; en effet, depuis 1692 cette entrée ne présente qu’un seul terme.
Le plan gravé de l’abbé Delagrive publié en 1746 n’indique que deux termes en place au bosquet de la Girandole : L’Hiver (MR 1945) à l’entrée septentrionale, Priape (probablement Aruncus, dit aussi Un moissonneur et Vertumne, MR 1976) à l’entrée occidentale. Pour le bosquet du Dauphin, le plan gravé de 1746 indique, en lieu et place de Podalire, dit aussi Bacchus (MR 1984), L’Abondance, dite aussi Cérès (MR 1991) sous le nom d’« Isis ». Ce changement a semble-t-il eu lieu entre 1711 et 1714, le plan de 1714 (fig. 9) signalant ensemble les termes de Bacchus (identifiable à Podalire, dit aussi Bacchus, MR 1984) et Flore (MR 1933) dans les salles orientales du bosquet du Dauphin.
Pour le bosquet de la Girandole, le plan gravé de l’abbé Delagrive publié en 1753 indique la présence de dix termes. Trois termes sont à l’entrée orientale : Pomone (peut-être Hébé, dite aussi Flore, MR 1934) et deux autres termes dont l’identité n’est pas précisée. Quatre termes sont dans la salle nord-est : Flore (peut-être Pomone, MR 1974), Hercule (peut-être Hercule, dit aussi Vertumne, MR 1940) et deux autres termes dont l’identité n’est pas précisée. L’Hiver (MR 1945) est à l’entrée septentrionale, Priape (Aruncus, dit aussi Un moissonneur et Vertumne, MR 1976) à l’entrée occidentale, Morphée (Anchimole, dit aussi Morphée, MR 2000) à l’entrée méridionale.
Sept termes sont localisés au bosquet du Dauphin par le plan gravé de l’abbé Delagrive en 1753 : un Satyre (Pan, dit aussi Satyre, MR 1986) à l’entrée occidentale, Flore (MR 1933) et Bacchus (Podalire, dit aussi Bacchus, MR 1984) dans la salle nord-est, L’Été de Théodon (MR 2098) à l’entrée méridionale, L’Abondance (Adrastée, dite aussi La Libéralité ou L’Abondance, MR 1975), Bacchus (Faune, MR 1919) et un Satyre à l’entrée orientale.
Sur le plan gravé de l’ingénieur Hervet (fig. 3), publié en 1768, apparaissent neuf termes pour le bosquet de la Girandole : deux termes dont l’identité n’est pas précisée à l’entrée orientale, le terme de Morphée (Anchimole, dit aussi Morphée, MR 2000) à l’entrée méridionale, le terme de Priape (peut-être Aruncus, dit aussi Un moissonneur et Vertumne, MR 1976) à l’entrée occidentale, le terme de L’Hiver (MR 1945) à l’entrée septentrionale, les termes de Flore (peut-être Pomone, MR 1974), d’Hercule (Hercule, dit aussi Vertumne, MR 1940), de Pomone (probablement Bacchante, MR 1899) et d’un mystérieux Priape dans la salle nord-est.
Pour le bosquet du Dauphin, le plan de 1768 (fig. 3) indique six termes : L’Abondance (Adrastée, dite aussi La Libéralité ou L’Abondance, MR 1975) et Bacchus (Faune, MR 1919) à l’entrée orientale, L’Été (MR 2098) à l’entrée méridionale, un Satyre (Pan, dit aussi Satyre, MR 1986) à l’entrée occidentale, Flore (MR 1933) et, curieusement, une Pomone (difficilement identifiable à Podalire, dit aussi Bacchus, MR 1984) dans la salle nord-est. Le terme de Podalire, dit aussi Bacchus (MR 1984) n’est pas situé.
Entre 1774 et 1776, dans le cadre de la replantation des jardins, les bosquets de la Girandole et du Dauphin furent remplacés par les quinconces du Midi et du Nord.
Les quinconces du sud et du nord ont été détruits en 2000 pour être remplacés par des reconstitutions des bosquets de la Girandole et du Dauphin, achevées en 2004.
Pour autant, la disposition des sculptures dans ces nouveaux bosquets offre plusieurs variantes au regard des états successifs des bosquets dans leur période historique. Ainsi, au nouveau bosquet de la Girandole, le terme d’Aruncus, dit aussi Un moissonneur et Vertumne (MR 1976) se retrouve à l’entrée méridionale, celui de Minerve (MR 1967) à l’entrée orientale, tandis que l’entrée occidentale est dépourvue de terme.
Au nouveau bosquet du Dauphin, le terme de Pan, dit aussi Satyre (MR 1986) se retrouve à l’entrée orientale, cependant que l’entrée occidentale est dépourvue de terme.