Bosquet de l’Ile Royale
Le bosquet de l’Île Royale, dit aussi de l’Île d’amour, fut aménagé à partir de 1671 dans la partie sud-ouest des jardins du château.
Son décor sculpté fut envisagé à partir de 1675 : une somme de 35 000 livres fut inscrite au nombre des prévisions pour 1676 « pour les ornemens de plomb et estain de l’Isle royale11. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 882. ».
Pour autant, 1 500 livres seulement furent dépensées, au profit de François Girardon22. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 901, paiement du 26 février 1676, et t. II, col. 175, parfait paiement « pour ouvrages faits à l’Isle royale ».. L’intervention de ce dernier n’est pas connue : peut-être fut-il l’auteur des ornements de l’îlot central – visible sur une gravure assez fantaisiste de Pérelle (fig. 1), datée de 1681 – et prématurément disparu.
Le décor sculpté de l’allée séparant le grand bassin du bassin du Miroir fut exécuté à partir de 1680 par Jacques Houzeau et Pierre Mazeline, rétribués cette année-là pour « ouvrages de sculpture en pierre de la cascade de l’Isle Royalle » et, en 1682, pour « ouvrages de sculpture faits en 1681 pour la cascade de la chaussée de l’Isle Royalle33. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. I, col. 1283, et t. II, col. 20 et 183. ».
En 1683, il est prévu d’achever les « fontaines de l’Isle Royalle », pour lesquelles les sculpteurs Antoine André et Jean Lambert sont rétribués – André étant explicitement désigné comme l’auteur de coquilles44. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 277-278.. En 1684, André et Lambert reçoivent un parfait paiement pour « deux grands bassins à coquille faits à l’Isle Royalle55. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. II, col. 473. ».
Ces décors sculptés sont visibles notamment sur le dessin anonyme (fig. 2) de l’album Pérelle du Louvre et sur le tableau d’Étienne Allegrain conservé au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon66. France-xviie siècle, vers 1685, fol. 14 (inv. 34226 recto) ; Allegrain, vers 1688-3..
Les six sculptures disposées au pourtour du bassin du Miroir – partie orientale du bosquet de l’Île Royale – sont décrites pour la première fois par l’inventaire de 1686, qui les recense du nord au sud :
- un premier Sénateur « tenant en ses mains des papiers roullés, regardant à droite, de la hauteur de 5 pieds 8 pouces » : œuvre désignée comme « Brutus » par le guide de Jean-Aymar Piganiol de La Force en 1701 et qu’il est possible d’identifier à la statue de Togatus conservée au musée du Louvre (département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Ma 5188) et mise en dépôt à Versailles en 2007 ;
- une Femme tenant des pavots : Julia Moesa, aujourd’hui non localisée (Vjs 808) ;
- une Femme tenant sa draperie et attribuée à Baccio Bandinelli : Vénus (MR 367) ;
- Jupiter : œuvre aujourd’hui non localisée (Vjs 809) ;
- Uranie tenant une lunette de sa main droite : Julia Domna (MR 1949)
- un second Sénateur « tenant en ses mains des papiers, regardant de fasse, il a de hauteur 6 pieds 4 pouces » : œuvre aujourd’hui non localisée (Vjs 1174).
Datable d’avant 1686, un dessin conservé à la bibliothèque de l’Institut de France (fig. 3) représente les deux statues de Sénateur en place au pourtour du bassin du Miroir, avant l’installation des quatre antiques dans la partie supérieure de la demi-lune.
Les deux statues de Sénateur quittèrent le pourtour du bassin du Miroir avant 1707, date de la deuxième édition du guide de Piganiol de La Force, qui ne les mentionne plus. Ils sont situés à Marly par l’inventaire de 1707 et par celui de 1722.
À la place des deux statues de Sénateur, la deuxième édition du guide de Piganiol de La Force indique deux vases de même modèle, « orné[s] d’une branche de houx et de fleurs de soleil dans [leurs] cannelures », attribués à Armand Lefebvre (au nord) et à Jean Légeret (au sud)77. Piganiol de La Force, 1707, p. 301 et 304.. Ces vases provenaient de l’allée Royale. Le Vase à décor de lierre placé au nord (MR 3014) est en fait dû à Jean Drouilly, celui placé au sud à Barthélemy de Mélo (MR 3015).
Selon l’inventaire de 1707, ces deux vases étaient encore sur l’allée Royale. Il est donc probable que leur installation date de 1707, la deuxième édition du guide de Piganiol de La Force portant une approbation en date du 11 août 1707.
Selon le Coup d’œil de Louis-Jacques Durameau, rédigé en 1787, les quatre autres statues du pourtour du bassin du Miroir furent définitivement déposées lors de la replantation des jardins du château en 1774-177688. Description par Durameau, 1787, p. 138..
De fait, elles ne sont pas dans la liste des sculptures des jardins fournie par l’état des restaurations à faire aux sculptures en marbre des jardins de Versailles et Trianon par Dupré en 1785-1786.
En revanche, elles sont indiquées par le plan gravé de Contant de La Motte, publié en 1783, et signalées en place par l’état des restaurations à faire aux sculptures de Versailles et de Trianon par Dejoux en 1788 et les éditions successives de l’Almanach de Versailles.
Elles sont également répertoriées par le guide de Luc-Vincent Thiéry, publié en 1788, mais seulement au nombre de trois (Julia Mesa, Vjs 808 ; Vénus, MR 367 ; et Jupiter, Vjs 809)99. Thiéry, 1788, t. II, p. 396..
Dans son édition de 1800, l’Almanach de Versailles ne fait plus mention des quatre statues du pourtour du bassin du Miroir1010. Almanach de Versailles, 1800, p. 39.. De même, la Notice des tableaux, statues, vases, bustes, etc., composant le musée spécial de l’École française n’évoque aucune des quatre statues1111. Notice du Musée spécial, [1801-1802], p. 122..
Transférée à Paris en 1798, Vénus (MR 367) est désormais conservée au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre.
Julia Domna (MR 1949) est attestée à partir de 1804 dans les allées d’Apollon au Grand Canal.
La trace de Julia Maesa (Vjs 808) et de Jupiter (Vjs 809) se perd.
Les socles de ces quatre statues restèrent vides jusqu’à la mise en place de nouvelles statues au xixe siècle (voir Bassin du Miroir et Jardin du Roi).
Entre 1686 et 1692, le bosquet de l’Île Royale accueillit deux copies colossales : la Flore Farnèse de Jean Raon (MR 2080) et l’Hercule Farnèse de Jean Cornu (MR 1793).