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Jardins de Versailles Bosquets disparus Deuxième bosquet des Bains d’Apollon

Deuxième bosquet des Bains d’Apollon

Durant l’été 1704, le bosquet du Marais accueillit les trois groupes sculptés provenant initialement de la grotte de Téthys et installés depuis 1684 au bosquet des Dômes, appelé depuis aussi des Bains d’Apollon11. Hernmarck, Weigert, 1964, p. 334-335, lettres de Daniel Cronström à Nicodème Tessin, 18 juillet 1704 (« on commence à détruire Versailles sans donner au temps celluy de le faire : l’on défaict actuellement le bosquet des Bains d’Apollon pour en transporter les statues à Marly ») et 21 août 1704 (« on n’a pas mené les statues du Bain d’Apollon à Marly comme je vous l’avois mandé : on les a placées d’une autre manière dans le bosquet du Chesne-Vert, qui a entièrement changé de face par là et est devenu fort beau »).. Le bosquet du Marais fut dès lors à son tour désigné comme bosquet des Bains d’Apollon, le deuxième bosquet à avoir porté ce nom.

Commandé en 1713 pour Trianon, le tableau de Pierre-Denis Martin (fig. 1) constitue la principale représentation du nouveau bosquet des Bains d’Apollon. Du bosquet du Marais, le grand bassin a disparu, tout comme, remplacés par des bancs, les buffets d’eau latéraux.

Jardins de Versailles - Vue du bosquet des Bains d’Apollon
fig. 1 - Pierre-Denis Martin, Vue du bosquet des Bains d’Apollon (détail), 1713. Huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 759 © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Sur le tableau de Martin (fig. 1), les trois groupes sculptés sont disposés à l’extrémité occidentale du bosquet, celui d’Apollon servi par les nymphes (MR 1866) à l’emplacement d’une des grandes tables ovales de marbre blanc.

Des « modelles des Bains d’Apollon », exécutés par des sculpteurs dont l’identité n’est pas précisée, sont attestés en août et septembre 170422. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1052 et 1078. : il s’agit probablement de maquettes préparatoires aux structures destinées à abriter le groupe d’Apollon servi par les nymphes (MR 1866), ainsi que les deux groupes des Chevaux du Soleil (MR 1873 et MR 2044)33. Sur les baldaquins du deuxième bosquet des Bains d’Apollon, voir en dernier lieu Blin, 2016..

Conçus par René Carlier, dessinateur de l’agence de Jules Hardouin-Mansart, les trois baldaquins furent effectivement entrepris en 170544. Journal de Dangeau, 1684-1720, t. X, p. 457-458, 28 octobre 1705 (« le roi […] alla dans ses jardins voir les embellissements qu’on a faits aux Bains d’Apollon, que l’on a couverts avec une magnificence extraordinaire ») ; Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1241, paiement du 1er novembre 1705 à Carlier, dessinateur, « pour les soins et le travail extraordinaire qu’il a fait aux baldaquins des Bains d’Apollon ».. Vingt-sept sculpteurs furent associés à l’entreprise55. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. V, col. 538, parfait paiement de 1711.. Pour celui d’Apollon servi par les nymphes, dit le grand baldaquin, fut payé la coquette somme de 16 832 livres. Il fut mis en œuvre par une équipe formée de douze sculpteurs, dont Nicolas Monthéan semble avoir été le mandataire66. Registre des placets présentés au marquis puis duc d’Antin, 1708-1732, p. 88-89, réclamation formulée le 12 octobre 1710 par Monthéan et onze sculpteurs associés. : Armand-Louis Solignon, dit Armand, Pierre Bourdict, Guillaume Coustou, Jacques Desjardins, Jules Degoullons, Pierre Granier, François Langlois, Jean-Louis Lemoyne, Simon Mazière, Alexandre Rousseau, dit Rousseau de Corbeil, et Jean Thierry. Les deux petits baldaquins furent réalisés par une équipe composée de quinze sculpteurs : Berchère, Philippe Bertrand, René Chauveau, Fournier, René Frémin, Jacques Herpin, Robert Le Lorrain, Philippe Magnier, Eustache Nourrisson, Jean-Melchior Raon, Jean Robert, Sébastien Slodtz, Jean-Baptiste II Tuby, Pierre Varin et Philibert Vigier, auxquels fut associé le mouleur Robert.

Du grand baldaquin demeure la maquette de présentation (fig. 2), en cire et en bois, qui paraît être toujours restée à Versailles77. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V 1978 ; Colinart, Drilhon, Scherf, 1987, p. 136-138 (texte de Simone Hoog).. Au regard de cette maquette, un dessin de Stockholm (fig. 3) constitue un relevé, malheureusement partiel, de l’état existant, qui montre certaines variantes. Ainsi, le sommet du baldaquin est occupé par la statue d’un Amour tenant un bouquet de tournesols (inv. 1850.8508 ; fig. 4).

Jardins de Versailles - Maquette du baldaquin central du bosquet des Bains d’Apollon
fig. 2 - France-xviiie siècle, Maquette du baldaquin central du bosquet des Bains d’Apollon, 1704-1705. Maquette en bois et cire. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V 1978 © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin
Jardins de Versailles - Élévation du grand baldaquin du bosquet des Bains d’Apollon
fig. 3 - Agence des Bâtiments du roi, Élévation du grand baldaquin du bosquet des Bains d’Apollon, 1702-1705. Dessin. Stockholm, Nationalmuseum, NMH CC 2985 © Photo: Nationalmuseum
Jardins de Versailles - Amour tenant un bouquet de tournesols
fig. 4 - Jean Thierry (attr. à), Amour tenant un bouquet de tournesols, vers 1705. Statue en plomb. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 6051 © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

Les socles des groupes furent modifiés à l’occasion de leur installation dans le nouveau bosquet. Ils furent percés de conduites d’eau et pourvus, en façade, de mascarons de bronze, un sur les socles latéraux, trois sur le socle central. Ces mascarons (Vjs 1225) étaient dus au fondeur Giuseppe Vinaccia, dit Joseph Vinache88. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1186, paiements de mars-septembre 1705 ; les travaux furent achevés cette année-là (Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. V, col. 42). Curieusement, ces mascarons semblent avoir été dorés dès 1704 (Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1050, paiements des 19 octobre et 14 décembre 1704 à Julien Lochon, ébéniste et fondeur, « sur la dorure qu’il fait aux masques de bronze du bosquet des Bains d’Apollon »).. L’eau crachée par ces derniers retombait dans un premier réceptacle, lui-même surplombant un grand bassin99. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1074 (paiements d’octobre-décembre 1704 à Hardy, Lespingola et Poirier « sur la sculpture qu’ils font en marbre aux bassins des Bains d’Apollon du jardin de Versailles ») et 1184 (paiements des 11 janvier et 8 février 1705 à Hardy, Lespingola et Poirier « sur les ouvrages de sculpture en marbre qu’ils font aux Bains d’Apollon à Versailles »), et Comptes des Bâtiments du Roi, 1716, fol. 135 (paiement du 14 août 1716 se rapportant à des travaux effectués en 1704 et 1705 par Hardy, Lespingola et Poirier pour « ouvrages de sculpture en marbre qu’ils ont faits au bassin du nouveau bosquet des Bains d’Apollon »).. Le dessin de Stockholm (fig. 3) permet de voir que, en dehors de ces masques, l’ensemble du socle central, y compris les congélations de la partie basse, avait été conservé.

Exécutés par Jean Hardy, François Lespingola et Claude Poirier, qui en réclamèrent le paiement en 1716, les « 54 pieds de glaçons en marbre aux Bains d’Apollon » correspondent aux congélations des réceptacles inférieurs, dont celui du centre est visible sur le dessin de Stockholm (fig. 3)1010. Liste des sculptures faites pour le roi de 1716 à 1729, 28 mars 1749, p. 120..

Le bosquet des Bains d’Apollon fut remplacé par un nouveau bosquet, le troisième à porter le même nom, qui fut mis en chantier en 17781111. Cayeux, 1987, p. 70-79..

Tandis que les trois groupes sculptés furent réinstallés dans le nouveau bosquet, leurs socles et leurs baldaquins disparurent. Seuls cinq fragments de marbre subsistent du socle central (inv. 2014.00.2057-2061 ; fig. 5), identifiés dans un hangar du domaine de Versailles en 1921 et transférés depuis dans les réserves de sculpture1212. Chaussemiche, 1921 ; Francastel, 1928, p. 69.. Des mascarons de Vinache, il n’est pas impossible que l’un d’entre eux ait été réemployé en 1817 pour former le motif de la fontaine de la rampe de la chapelle1313. Saule, 2005, Vdse 200.. De même, seul a survécu l’Amour tenant un bouquet de tournesols (inv. 1850.8508 ; MV 6051 ; H. 108,5 ; L. 44 ; P. 40 cm ; fig. 4), en plomb, sommant le baldaquin central. Récemment identifié dans les réserves de Versailles, il est attribuable à Jean Thierry.

Jardins de Versailles - Fragments du socle d’Apollon servi par les nymphes
fig. 5 - François Girardon, Fragments du socle d’Apollon servi par les nymphes, 1672-1674. Sculpture en marbre. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, 2014.00.2057-2061 © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin
11. Hernmarck, Weigert, 1964, p. 334-335, lettres de Daniel Cronström à Nicodème Tessin, 18 juillet 1704 (« on commence à détruire Versailles sans donner au temps celluy de le faire : l’on défaict actuellement le bosquet des Bains d’Apollon pour en transporter les statues à Marly ») et 21 août 1704 (« on n’a pas mené les statues du Bain d’Apollon à Marly comme je vous l’avois mandé : on les a placées d’une autre manière dans le bosquet du Chesne-Vert, qui a entièrement changé de face par là et est devenu fort beau »).
12. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1052 et 1078.
13. Sur les baldaquins du deuxième bosquet des Bains d’Apollon, voir en dernier lieu Blin, 2016.
14. Journal de Dangeau, 1684-1720, t. X, p. 457-458, 28 octobre 1705 (« le roi […] alla dans ses jardins voir les embellissements qu’on a faits aux Bains d’Apollon, que l’on a couverts avec une magnificence extraordinaire ») ; Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1241, paiement du 1er novembre 1705 à Carlier, dessinateur, « pour les soins et le travail extraordinaire qu’il a fait aux baldaquins des Bains d’Apollon ».
15. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. V, col. 538, parfait paiement de 1711.
16. Registre des placets présentés au marquis puis duc d’Antin, 1708-1732, p. 88-89, réclamation formulée le 12 octobre 1710 par Monthéan et onze sculpteurs associés.
17. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V 1978 ; Colinart, Drilhon, Scherf, 1987, p. 136-138 (texte de Simone Hoog).
18. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1186, paiements de mars-septembre 1705 ; les travaux furent achevés cette année-là (Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. V, col. 42). Curieusement, ces mascarons semblent avoir été dorés dès 1704 (Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1050, paiements des 19 octobre et 14 décembre 1704 à Julien Lochon, ébéniste et fondeur, « sur la dorure qu’il fait aux masques de bronze du bosquet des Bains d’Apollon »).
19. Comptes des Bâtiments du Roi, 1664-1715, t. IV, col. 1074 (paiements d’octobre-décembre 1704 à Hardy, Lespingola et Poirier « sur la sculpture qu’ils font en marbre aux bassins des Bains d’Apollon du jardin de Versailles ») et 1184 (paiements des 11 janvier et 8 février 1705 à Hardy, Lespingola et Poirier « sur les ouvrages de sculpture en marbre qu’ils font aux Bains d’Apollon à Versailles »), et Comptes des Bâtiments du Roi, 1716, fol. 135 (paiement du 14 août 1716 se rapportant à des travaux effectués en 1704 et 1705 par Hardy, Lespingola et Poirier pour « ouvrages de sculpture en marbre qu’ils ont faits au bassin du nouveau bosquet des Bains d’Apollon »).
20. Liste des sculptures faites pour le roi de 1716 à 1729, 28 mars 1749, p. 120.
21. Cayeux, 1987, p. 70-79.
22. Chaussemiche, 1921 ; Francastel, 1928, p. 69.
23. Saule, 2005, Vdse 200.